Michel Journiac
Les Mains


Michel Journiac
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Michel Journiac

L'artiste Michel Journiac (1935-1995-Paris) revient sur la scène des expositions avec un ensemble intitulé : Les Mains, qui met en exergue des images, des photographies et des éléments de ses performances tels que les gants blanc et blouse, immobilisés dans l'acrylique, à la galerie Christophe Gaillard. On verra ici un ensemble de photographies de Journiac habillé en robe blanche et perruque, des images de mains autour de manipulations qui montrent des brulages de son portrait, et aussi des impressions sur toiles, etc.

Sur les mains, Focillon écrivait : "Par elles l'homme prend contact avec la dureté de la pensée. Elles dégagent le bloc. Elles lui imposent une forme, un contour et, dans l'écriture même, un style." Journiac devait éprouver ces sensations car il avait une pratique intense de l'écriture. Focillon poursuit : "Elles sont presque des êtres animés. Des servantes ? Peut-être. Mais douées d'un génie énergique et libre, d'une physionomie – visages sans yeux et sans voix, mais qui voient et qui parlent. Certains aveugles acquièrent à la longue une telle finesse de tact qu'ils sont capables de discerner, en les tou-chant, les figures d'un jeu de cartes, à l'épaisseur infinitésimale de l'image."

Certains se souviennent de ses performances où il réalisait du boudin avec son sang et avec celui de certains de ses invités. Catherine Millet, qui avait participé à ses performances (où elle était agenouillée sur un prie-Dieu), à ses rituels, l'avait raconté il y a quelques années. L'exposition intitulée : "Messe pour un corps", fut montrée chez Daniel templon, en 1969. Artiste marqué par la place du corps dans la société et dans l'art, il a conçu toute son œuvre autour de cette mise en scène des états peu ordinaires de son geste, de sa sexualité et de son rapport à l'autre. D'autres actions ont jalonné cette œuvre : Piège pour un voyeur (1969), La Lessive (1969), L'Action-Meurtre (1985), par exemple. Journiac, rappelons-le, voulait devenir séminariste, il utilisait sa robe lors de ses expositions. Au départ, il était peintre et poète, il publie : Le Sang nu (Ed. Rougerie, 1968). C'est au musée Strasbourg, en 2004, que s'est tenue très grande exposition de cette œuvre. Elle a été initiée sous le commissariat d'Emmanuel Guigon. Le texte qu'il écrivit : "L'Alphabet du corps", reste aujourd'hui remarquable par l'analyse de cette œuvre ancrée dans une situation historique de l'exception artistique française ! Il évoque l'hommage à Freud dans sa "critique d'une mythologie travestie", et note la mise en question de l'identité chez l'artiste. Journiac signait des chèques qu'il échangeait contre des espèces ; il s'inscrivait dans l'actualité immédiate sociale et économique. Journiac insistait sur "la vie", et non plus sur l'esthétique, mais le corps viande et sang. L'année 1965 est marquée par la série : Alphabet du corps. Suivrons : Signes du sang, Parcours-Piège du sang… Son œuvre fut considérée comme violente dès le début. Le critique François Pluchart, spécialiste de l'art corporel et de Gina Pane entre autres, raconta les réactions devant les œuvres de Journiac qui furent parfois criblées par des ratures au stylo…

Œuvre blessée, corps mystique, et langage des nerfs et des fibres, les mains de Journiac semblent dessiner une chorégraphie singulière tel un danseur accomplissant des torsions. Sans doute que nous pouvons rapprocher cette gestuelle mouvementée par l'évocation du texte fameux d'Henri Focillon, cité aussi plus haut, ces mains sont des êtres animés. Des servantes ? Peut-être, dit-il. Il écrit "Dans la vie active de la main, elle est susceptible de se tendre et de se durcir, de même qu'elle est capable de se mouler sur l'objet. Ce travail a laissé des marques dans le creux des mains, et l'on peut y lire, sinon les symboles linéaires des choses passées et futures, du moins la trace et comme les mémoires de notre vie ailleurs effacée, peut-être aussi quelque héritage plus lointain. De près, c'est un paysage singulier, avec ses monts, sa grande dépression centrale, ses étroites vallées fluviales, tantôt craquelées d'incidentes, de chaînettes et d'entrelacs, tantôt pures et fines comme une écriture. On peut rêver sur toute figure. Je ne sais si l'homme qui interroge celle-ci a chance de déchiffrer une énigme, mais j'aime qu'il contemple avec respect cette fière servante." Allons revoir Michel Journiac.
 
Patrick Amine
Paris, février 2022
 
 
Michel Journiac, Les Mains du 15 Janvier au 26 février 2022
Galerie Christophe Gaillard, 5 Rue Chapon, 75003 Paris
www.galerie-gaillard.com

Notes :
• Michel Journiac - Catalogue de l'exposition 19 février - 9 mai 2004, Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg, Editions Les Musées de Strasbourg, 2004.
• Michel Journiac, L'objet du corps et le corps de l'objet, Écrits, Paris, Beaux-Arts éditions, 2013.
 

Michel Journiac

Catalogue 2004
 
 

Michel Journiac

Catherine Millet

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