Hommage à Henri Van Lierpar Anne Bernard
|
Le 4 mai 2009, rue du Silence
Cher Henri, Au cours de nos après-midis de travail, nous avions pris l'habitude de parler de l'anthropogénie, de Homo, de ses accomplissements, de ce qu'il perçoit de l'Univers. Plus exactement vous parliez et je vous écoutais. Nos esprits solitaires se rejoignaient donc, le vôtre en formalisant les choses, comme celui d'un Maître, le mien en tentant de comprendre, comme celui de l'élève… Et c'était bien ainsi. Aujourd'hui, votre silence m'oblige à trouver les mots pour exprimer, autrement que par le passé, mon intérêt pour votre œuvre et mon attachement à votre personne. L'occasion est trop exceptionnelle, vous ne mourrez qu'une fois… Les heures passées à vous écouter ont été fructueuses. Elles resteront gravées dans ma mémoire. Elles nourriront mon imaginaire. Tout comme le rituel du thé, les petits gâteaux arabes du pâtissier du coin, vos grands moulinets avec les bras, les coups de téléphone annoncés rapides mais qui durent une heure, vos "maintenant je me tais", "c'est incroyable", "on se comprend…", ainsi que les "bye-bye" lancés du haut de l'escalier. Vous avez souvent dit que notre rencontre fut providentielle. Elle le fut en effet, comme une porte ouverte sur de nouvelles potentialités. L'une d'elles a permis à l'anthropogénie de voir le jour sous la forme d'un tableau digitalisé et systématique. Pour votre plus grand émerveillement, car vous n'aviez pas imaginé qu'il puisse en être ainsi lorsque je me proposais de vous aider au moment de la mort de Micheline. De mon côté, au fil de nos conversations, j'ai pu observer en direct les processus de construction et de déconstruction (ou plutôt de séquenciations et reséquenciations) en cours dans un cerveau humain particulièrement buissonnant, le vôtre bien entendu ! Et quel feu d'artifice ! Il m'est souvent arrivé de sortir de chez vous en éclatant de rire. A mon tour, je marmonnais alors un "il est incroyable !", gonflée à bloc par votre énergie et votre enthousiasme, par votre pensée si originale qu'elle ne ressemble à aucune autre, par votre vision si contemporaine du monde, par votre capacité à rebondir sur les événements du moment que vous aviez lues dans le journal, ou sur les productions quotidiennes de quelques congénères hominiens que vous aviez croisées par hasard dans la rue. De tout cela, merci Henri, du fond du cœur. J'ai un regret, cependant. Au cours des derniers mois, avec le renouveau des jours, lors de ce printemps que vous avez trouvé trop long et qui vous sera fatal, j'aurais aimé vous inviter à faire une dernière promenade dans le parc. Histoire de regarder le ciel et de se laisser traverser par lui. De se reposer sous les arbres, sans l'ombre d'une souffrance pour assombrir le temps. De partager une intercérébralité, silencieuse cette fois. Et de sourire, extatiques, devant le travail accompli. Le sens du sens, comme vous le disiez si justement, Henri. Anne |
Anne Bernard, Bruxelles,
publication janvier 2010 photo : Ph Agéa
Henri Van Lier, né à Rio de Janeiro en 1921, auteur et artisan du système Anthropogénie est décédé le mardi 28 avril 2009 à Bruxelles, 6 ans aprés le peintre Micheline Lo, sa femme. Il a écrit, entre autre, la philosophie de la photographie. Anne Bernard est présidente de la fondation.
www.anthropogenie.com - www.michelinelo.com |