Grégoire Polet, Petit éloge de la Belgique, exporevue, magazine, art vivant et actualité

Auteur de plusieurs romans et nouvelles, Grégoire Polet (né en 1978 à Uccle, Bruxelles) est l'auteur mémorable de Madrid ne dort pas, Excusez les fautes du copiste, et bien sûr d'un premier Petit éloge de la gourmandise (Folio, 2010), et quatre autres textes dont Barcelona qui évoque, en filigrane ses dix années vécues à Barcelone, où il prend en écharpe l'histoire de la société espagnole, à travers une fiction tissée de nombreux personnages aux intrigues multiples. Il a enseigné la littérature espagnole, écrit des scénarios et réalisé des documentaires. Il a reçu de nombreux prix. Et ces dernières années, nous avons pu rendre compte de ses livres dans un autre magazine. Nous l'avons rencontré à plusieurs reprises en Espagne, à Paris et à Bruxelles.

Chaque livre de Grégoire Polet produit une certaine surprise car son style vous happe immédiatement. Direct, sans fioritures. Ce dernier a pour exergue une belle phrase du Prince de Ligne : "J'aime mon état d'étranger partout (…) c'est le moyen de se plaire en tous lieux, et de n'être dépendant nulle part." C'est ainsi que Polet se sentait même étranger en Belgique quand il est revenu ces dernières années. Ce Petit éloge de la Belgique est totalement subjectif comme il l'écrit dans l'ouverture… Dans l'ouverture d'un espace-temps complètement ouvert à travers les siècles et l'histoire de ce pays. L'auteur a pris l'identité de plusieurs personnages historiques qui ont composé ce territoire nommé : Belgique. Une manière de raconter des histoires qui composent un puzzle où chaque élément redéfinit cette identité diffractée, pourrait-on dire. Il évoque dans sa première partie les éléments de son paysage, ses amours du pays, une partie de son enfance à la mer, les villes : Ostende, Anvers, Knokke, Liège, les peintres : Ensor, Breughel, les écrivains : Verhaeren, puis l'architecte, Henry Van de Velde (à travers son Récit de ma vie), etc. "Ma vie Belgique, patrie, matrie, est une question de mémoire. Mémoire qui forme, qui informe. Mémoire involontaire. Façon de sentir. Chambre d'écho." L'intention de l'auteur est nette : il écrit l'éloge de sa Belgique.

Au fil du livre, on apprend beaucoup de choses sur le pays et sa construction sociale, politique et identitaire. Il raconte la transhumance du Nord de la Belgique (lors de la guerre civile 16ème-début 17ème) ; les Anversois transportèrent à Leyde la fabrication de serge, à Amsterdam la moitié de leurs peintres, sculpteurs, savants et imprimeurs, sans oublier la manufacture de la soie. Et à Deflt, la manufacture de faïence, restée célèbre. Mais n'oublions pas que naissent alors : Rubens, Van Dick, Jordaens, de Crayer, etc. Le panache du Baroque du 17ème !

Il s'est glissé aussi dans la peau du Prince de Ligne (dont on connait son fameux domaine de Bel-Œil et les textes qu'il écrivit sur les jardins – aujourd'hui cette propriété a perdu ses fameuses folies) tout au long du livre, de Van de Velde, évoque Stefan Zweig… On embarque dans un train au son de la musique de Django Reinhardt ("Nuages") qui résonne au fil du temps. La figure du peintre Rik Wouters apparaît et celles des grandes figures des lettres et des arts qui ont traversé la Belgique, elles revivent sous la plume alerte et vive de l'auteur. Les dialogues sont ardents. Tout pétille. Tout se télescope à travers les siècles et les identités des personnages qui évoquent à leur manière cette Belgique toujours à redécouvrir (2).

On sort de ce Petit éloge de la Belgique comme si nous avions rêvé avec l'auteur d'un autre pays. Grégoire Polet nous donne sa vision avec de la joie, de la fraicheur et de l'humour. La mémoire est une substance qui agit continuellement pour lui. Voltaire aurait aimé cet écrivain heureux !