Triade
Approfondir
le portrait
Démocratie
esthétique
Harmonie de
résonance
Magie
Rouge
Sensibilité
enflammée
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Ils sont trois.
Une triade familiale d'artistes.
Des surdoués de naissance ? Non, des travailleurs. Arrivés à l'excellence après des années de travail dans la discipline que chacun s'est choisie.
Anne-Marie Gourier utilise l'il photographique pour appréhender la présence physique et sociale des autres. Philippe Gourier élabore des sculptures rythmiques et spatiales sur les traces de Gagarine. Florence Gourier cherche dans les replis de la Terre la matière de ses surfaces gravées. Ils exposent ensemble aux Mureaux, à une grande demie heure de Paris par le train de banlieue (gare Saint-Lazare), dans deux espaces originaux qui témoignent des ressources de ces villes d'Ile de France dont les animateurs culturels ne se laissent pas intimider par la capitale.
Anne-Marie Gourier avait présenté il y a un an à Paris une mosaïque de têtes crayonnées d'après des photos prises avec le même appareil dans les mêmes conditions. Il ressortait de cette présentation, "La tête des autres", une analyse dense de l'identité et de la diversité du visage humain, placé dans une situation complexe, face au portraitiste.
Dans la nouvelle présentation, le geste de la main vient préciser et commenter l'expression du visage. L'homo faber se superpose à l'homo meditans pour en approfondir le portrait photographique. L'effet d'étrangeté vient de la couleur rouge uniforme qui recouvre la partie active de la personne, main ou bras. Une giclée de sang qui jaillit hors de l'uniformité de la présentation, comme un effort de dépassement. S'agirait-il d'un essai de démocratie esthétique ?
Les sculptures de Philippe Gourier construisent un univers tout à la fois ludique et rigoureux avec des lames, des lamelles et des tiges métalliques assemblées selon une géométrie musicale. Elles tissent une harmonie de résonance et de rythmes secrets. Les visiteurs en ressentent des picotements dans les doigts.
Beaucoup d'entre eux, d'ailleurs, n'y résistent pas. Ils tirent des graves et des aigus de ces structures vibrantes ; ce qui n'est pas pour déplaire à l'artiste. Ses grandes uvres sont installées dans le château de Bècheville, qui est le conservatoire municipal.
La même rigueur géométrique apparaît dans les volumes cubiques dressés sur de hautes colonnes métalliques, comme des épures spatiales sur leur pas de tir. D'autres compositions évoquent avec l'entrecroisement des horizontales et des verticales, parfois traversées de la stridence d'une oblique, des persiennes ou des claustras, derrière lesquelles se déroule quelque fête secrète. Leur austérité constructiviste est atténuée par la chaude couleur rouille de la patine qui les enveloppe.
Florence Gourier a gardé de son expérience d'archéologue le goût des strates superposées qui cachent dans l'un les secrets du multiple. Des écailles, des tessons, des fragments de coquillage affleurent à la surface de ses gravures, comme des objets amorphes enfouis depuis la nuit des temps sous la surface quadrillée d'un champ de fouilles. Et le fouilleur est bien présent dans cette bataille que se livrent les découpes de tôle corrodées, telles des continents à la dérive sur fond de textiles imprégnées des ocres, des bruns et du sang de Turkana Lake, le site des premiers hommes (Kenya).
Sur ces surfaces minérales et métalliques flottent comme des ombres fantasmatiques au couchant pourpre, les silhouettes rupestres et pourtant bien vivantes de danseurs immémoriaux. Toute la magie de l'Afrique vibre dans ces gravures.
Avec une sensibilité enflammée, dominée par le rouge, les Gourier, soeurs et frère, présentent trois visages de la création contemporaine. Cette exposition est organisée par Gisèle Voisard, responsable des expositions de la ville des Mureaux.
Michel Ellenberger
juin 2001
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Médiathèque, allée Joseph Hémard, Centre des arts, château de Bècheville, 78130, Les Mureaux.
Tel. : 01 30 91 38 63, jusqu'au 2 juin 2001.
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