Devenir Fleur
MAMAC Nice
 
Devenir Fleurs
"Devenir fleur" tente d'apporter un éclairage nouveau et sensible sur les sujets écologiques, anthropologiques, géopolitiques contemporains. L'exposition fait surgir une botanique de l'histoire mondiale, ainsi que de nouvelles formes d'attentions, de sensibilités, de pensées".

À travers les pratiques artistiques d'une trentaine d'artistes, femmes et hommes d'une vingtaine de nationalités différentes, l'exposition plurisciplinaire se divise en plusieurs propositions qui vont de l'intime à la mondialisation.
Nous commençons l'exposition par une sélection d'œuvres réalisées par des artistes qui sont dans un rapport direct avec les plantes, généralement récoltées dans un environnement proche, ils/elles les récoltent pour en faire des herbiers, des torsades ou des installations de plantes séchées comme Marinette CUECO (France, 1934), ou Chiara CAMONI (Italie, 1974) qui fait des colliers géants, Isa BARBIER (France,1945),dans Fluidité oblique #1 et #2, 2022, nous offre des installations sensibles de pétales de fleurs. Maria Thereza ALVES (Brésil , 1961), Unrejected Wild Flora, 2013-2017, propose une série d'empreintes réalisées avec des mauvaises herbes.
Plus intimiste : Nona INESCU (Roumanie, 1991), dans Brugmansia, 2021 établit des contacts avec des fleurs carnivores et ZHENG Bo (Chine, 1974) vit des relations corporelles avec une fougère dans Pteridophilia, 2016.
Il y va dans ces œuvres d'un contact direct en symbiose, presque animiste dans ces démarches. Des gestes millénaires, populaires et mondialistes. D'autres ont une réflexion anthropomorphique, Ana MENDIETA (Cuba,1948), dans Flower Person, flower Body, une vidéo de 1975, montre un amas de branches et de végétaux évoquant un corps à la dérive dans une rivière. Odonchimeg DAVAADORJ (Mongolie, 1990), dessine des personnes dont les membres se terminent en arborescence (Enraciné 1,2,3 , 2018) Gabriel OROZCO (Mexique, 1962) expose une branche d'arbre dont les feuilles se sont métamorphosées en plumes.

La deuxième partie de l'exposition évoque le pouvoir de résilience des plantes vis-à-vis d'environnements mortifères lors de catastrophes.
Dans Tchernobyl Herbarium, 2011, Anaïs TONDEUR (France, 1985) fait des photogrammes à partir des radiations qui émanent des plantes prélevées sur le site nucléaire
Laurence AËGERTER (France, 1972), Helichrysum italicum i.a.Nagasaki, Japan, 2015 intègre des plantes sur des photographies de site de catastrophes.
Bianca BONDI (Afrique du sud, 1986), propose dans Scrying in astral ponds, 2020, un espace alchimique de méditation fait de plantes naturelles stabilisées et de grandes coupelles remplies d'eau de mer de Nice, qui s'évaporent lentement créant des cristaux. Un banc nous invite à la réflexion. Le temps qui passe jusqu'à sa cristallisation figée.
Hicham BERRADA (Maroc, 1986), dans Mesk Ellil, 2015, crée un environnement de terrariums en lumière "clair de lune" pour favoriser l'éclosion de "Galantes de Nuit" un jasmin qui n'offre sa fleur que la nuit. Une expérience poétique, sensorielle et olfactive.

La dernière proposition est consacrée à l'histoire des plantes au fil de l'histoire, de la colonisation, du déracinement vers la transformation et des voyages de certaines plantes font pour l'industrialisation dans une conception d'économie mondialisée. Dans What plants Were Called Before They Had a Name, 2015-18, Uriel ORLOW (Suisse, 1973) fait une installation sonore sur les noms des plantes avant et après le passage des occidentaux. Leurs noms indigènes en rapport à leurs nominations scientifiques. Une autre oeuvre, montre l'artiste en ombre dans une vidéo où est projetée des images de la célébration du cinquantième anniversaire du musée botanique du Cap, qu'elle a trouvé dans les archives dans lesquels les colons blanc prédominent et les natifs font figuration.
L'installation The pages of Days and Night, 2015, de Pia RÖNICKE (Danemark, 1974), informe du rapport des végétaux à la géopolitique en mettant en correspondance la collection de plantes constituée lors de l'expédition danoise en Arabie aux XIXe siècle et d'autre part l'envoi, plus récemment, d'espèces végétales d'Alep en Syrie vers le Global Seed Vault en Norvège, à fin de préservation des espèces. Fatma BUCAK (Turquie, 1984), Damascus Rose, 2016-2022, quant à elle évoque la rose de Damas, qui fut délocalisée et annihilée par la guerre en Syrie, l'artiste tente de faire voyager et de greffer des plants sur des rosiers locaux.
Otobong NKANGA (Nigeria, 1974), Kolanut Tales - Dismembered, 2016 évoque l'histoire du kola plante médicinale dans le pays d'origine, qui devient l'un des ingrédients du Coca-Cola.
Minia BIABIANY (France, 1988), présente une installation de sculptures en osier, Musa nuit, 2020 qui nous conte l'histoire paradoxale du Musa (la banane) utilisée traditionnellement pour soigner les maladies de l'utérus et qui par sa production industrielle a contaminé par les pesticides employés des générations d'antillais.
Kapwani KIWANGA (Canada, 1978), présente des reproductions très fines en papier de la fleur de paon à deux stades de sa croissance dans une installation esthétique The Marias, 2020, contrastant avec le dessein tragique de cette plante.

Cette exposition est une vrai réussite : elle brasse les diverses réflexions et thématiques actuelles de l'écologie et des écosystèmes, mettant en avant les potentiels liés à ces pratiques dans des lectures historiques et ancestrales mondiales mais aussi au vu des dernières découvertes scientifiques ou analyse historique, tout en restant dans des réflexions artistiques contemporaines.
Elle permet à certains artistes marginalisés jusqu'à présent d'arriver dans la lumière de la reconnaissance car de nombreux artistes exposés étaient quasi inconnus il y a peu, ce qui accentue le travail méticuleux des deux commissaires.
Héritage du Land Art, il y a les historiques reconnus (et qui n'ont pas été oubliés) comme Andy Goldsworthy (Royaume-Uni, 1956), Giuseppe Penone (Italie,1947), NILS-UDO (Allemagne, 1937), mais la majorité sont liés à des générations post soixante-huit et à des pratiques contemporaines, ce qui ouvre le champ des possibilités de l'art vers de nouveaux horizons.
 
Pascal Vrignaud
Nice avril 2023
 
 
Devenir fleur, MAMAC de Nice, jusqu'au 30 avril 2023
Museum of Modern and Contemporary Art, Place Yves Klein, 06364 Nice, cedex 4, France
www.mamac-nice.org/fr/exposition/devenir-fleur/
www.mamac-nice.org

Artistes :
Laurence Aëgerter, Maria Thereza Alves, Isa Barbier, Yto Barrada, Hicham Berrada, Minia Biabiany, Melanie Bonajo, Bianca Bondi, Fatma Bucak, Chiara Camoni, Ali Cherri, Jean Comandon & Pierre de Fonbrune, Marinette Cueco, Odonchimeg Davaadorj, Andy Goldsworthy, Nona Inescu, Kapwani Kiwanga, Tetsumi Kudo, Marie-Claire Messouma Manlanbien, Ana Mendieta, Marie Menken, Otobong Nkanga, Dennis Oppenheim, Uriel Orlow, Gabriel Orozco, Giuseppe Penone, Pia Ronïcke, Michelle Stuart, Anaïs Tondeur, NILS-UDO, Zheng Bo.
Commissariat de l'exposition :
Hélène Guenin, directrice du MAMAC et Rébecca François, attachée de conservation

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