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Sous le nom d'ORCD se cache un duo : Olivier Rieu, photographe et plasticien et Cyril Deydier, plasticien tourné vers l'écriture.
Le pétrole est omniprésent dans notre société. ORCD utilise cet or noir comme symbole du consumérisme moderne, et crée des œuvres provocantes et dérangeantes. Dans leur série de photographies intitulées "Affiches", les codes des magazines sont détournés, le duo prend la rue comme terrain de jeux de manière à surprendre et questionner. Proche du street art, ces oeuvres se jouent du "politiquement correct", pour amener le spectateur à s'interroger. Clin d'œil aux artistes du nouveau réalisme, les références à Jacques Villeglé ou Raymond Hains leur sont un hommage plus qu'un emprunt, par le détournement des affiches arrachées et le second degré appliqué. Second ? pas si sûr… Esthétiques dans leur présentation et leur composition, ces affiches communiquent sur plusieurs plans : "une" de magazine qui pourrait se trouver dans n'importe quel kiosque, attirante à l'œil… si ce n'est que les titres vont à l'encontre de ce que souhaite le lecteur. A l'instar de Spoerri qui collait les restes et les plats du repas à la table, tels que le client les avait laissés, pour réaliser des tableaux-pièges, dans Tea time, les artistes ont recréé l'atmosphère d'une après-fête. La consommation d'alcool et de stupéfiant résident dans l'image photographique qui atteste d'un moment qui n'est plus. Le spectateur s'interrogera-t-il sur le nombre d'invités, leur usage de substance illicite, ou sera-t-il interpellé par le goudron qui recouvre cette fête. Ils cherchent, par le titre ironique et la nature de cette nature morte, à questionner la saleté relative des éléments qui sont ici représentés. Les réseaux de drogues, les lobbyings d'alcool ou de cigarette. Que reste-t-il après la fête ? Une nappe de goudron. Si des invités venaient à nouveau à passer une soirée sur cette table, les traces de leur passage se rajouteraient à l'oeuvre. Mais arriveraient-ils à festoyer sur une telle nappe ? Heureusement, il ne s'agit que d'une bâche que l'on peut jeter et oublier. Il en est de même dans Nouvelle Cuisine. Quatre personnes ont étalé sur une table un festin de restauration rapide. Ils ne sont plus là, où alors est-ce que c'est le spectateur qui est invité à s'asseoir et à déguster ce repas, à devenir consommateur (visuel, gustatif) ? Les niveaux de lectures sont à nouveau pluriels, et c'est en ça que les artistes ont travaillé cette oeuvre dans le détail. Le goudron encore : manger du fast-food signifie-t-il ingurgiter de l'essence ? Manger du fast-food implique-t-il entretenir des réseaux contribuant à l'usage extensif des exploitations ? Des questions parmi d'autres. La composition Meat Market, déjà exposée à Cutlog à l'automne dernier prend ici toute sa force, qui nous happe dès le passage de la porte de la galerie. Coup de massue oh combien présent à plus d'un titre. Six panneaux muraux, pour exprimer les six milliards d'individus que nous sommes encore pour quelques semaines. Des bouts de murs, recouverts de carrelage. L'intention est d'évoquer les parois d'une boucherie. Un crochet est suspendu en haut des pièces. Y pend une carcasse humaine, tatouée comme le sont les bestiaux. Mais ici, c'est un label alimentaire qui estampille ces troncs. Des corps salis, dégoulinant d'une matière liquide, et sérigraphies sur une taule rouillée. Les artistes donnent à voir le Monde comme une boucherie, un monde qui met en vente des individus par la surexploitation des marchés. Le mot "soldes", écrit dans différentes langues, renforce cette idée. Ecrit en Hébreux sur un morceau d'humain, ce dernier, estampillé hallal, évoque la difficile situation du Moyen-Orient. Le label "dolphin safe", en reflet à une écriture japonaise apposée sur un corps transsexuel, évoque un corps irradié. Par l'utilisation de différentes langues pour ces tatouages, les artistes rendent compte du commerce non équitable de denrées, qui ne respectent ne l'agriculteur, ni son environnement. Arrive ensuite une seconde lecture, voulue par les artistes : présenter ces carcasses comme des vêtements bradés. Le carrelage, recouvert d'une jolie couche de peinture, rappelle celle des boutiques. Mais cette peinture de fond est faite de métal, comme une référence directe aux sous-sols des états pauvres que certaines nations vident. Que ce soient les affiches, les natures mortes sur bâche ou ces panneaux, Olivier Rieu et Cyril Deydier présentent un travail qui se joue de la tradition artistique, et montre ce qui pour eux définit aujourd'hui l'humain. Face à cette consommation démesurée de "l'or noir", ORCD agissent : grâce à leur travail ils invitent à participer au changement, pour une consommation différente. Véronique Grange-Spahis
Paris, février 2012
Essence ORCD du 2 février au 24 mars 2012
Visionairs Gallery, 14 rue des Carmes, 75005 Paris www.visionairsgallery.com - contact@visionairsgallery.com |