Ernst Van Leyden, "Oui, Oui c'est la vie", oil and collage on canvas, 1964. Collection Danièle Cohen

Ernst Van Leyden, A portrait of Ernst circa 1936, Photo : estate of artist

Ernst Van Leyden, A portrait of James Ensor, oil on canvas, 1936, Estate of artist

Un portrait photographique d'Ernst Van Leyden, d'une ressemblance frappante avec Antonin Artaud, nous plonge d'emblée dans le contexte artistique international et mouvementé de l'entre-deux-guerres. Ce contexte artistique, ces cercles intellectuels aux diverses origines, Ernst Van Leyden les connaît bien, lui qui fut entre autre l'ami de Karen Appel, Salvador Dali, Max Ernst, Piet Mondrian, Pablo Picasso et Willem de Kooning.

Artiste nomade, Van Leyden n'est pas de ceux à s'attacher à une région, un pays ; il vécut en effet en Hollande, en Belgique où il fut inscrit à l'académie des Beaux-arts de Bruxelles, à Londres, Berlin, aux Etats-Unis, etc. Cette quête de l'ailleurs et de l'autre, de l'étrange aussi, a considérablement enrichi sa recherche picturale et sa réflexion sur l'art, se frottant ainsi aux plus grands artistes de l'époque mais également à la population locale des pays visités, tels le Maroc, l'Algérie, l'Egypte, etc. Ces nombreux déplacements expliquent peut-être aussi - mais cela reste une hypothèse -, ce qui fait que l'artiste n'est pas à ce jour reconnu à sa juste valeur, tombé depuis sa mort dans un certain oubli, alors que son œuvre, inscrite c'est un fait dans les plus grandes collections muséales, ne cessera d'évoluer pour aboutir à une abstraction singulière et engagée.

A ses débuts, Van Leyden empreinte à Matisse les perspectives frontales et le motif de la fenêtre dont la présence atteste de la métaphore de la peinture. Ses recherches renvoient aussi à Van Gogh dans certaines natures mortes de type floral, à Cézanne dans quelques paysages aux formes géométriques, et à Picasso qui ne cesse alors de déconstruire la représentation conventionnelle. Et Van Leyden de synthétiser les concepts picturaux les plus novateurs des artistes majeurs du début du XXème siècle. Qu'est-ce que la peinture ? semble interroger chacune de ses œuvres, pour plus tard faire émerger une autre question : qu'est-ce que le tableau et que représenter ? Dans les années 30, Van Leyden s'emploie à peindre les poètes et peintres qui l'entourent, tel ce portrait de James Ensor (1936) dont la figure se détache des masques et des fantômes gravitant autour de son visage. Ensor lui dédicace ainsi un catalogue : "Pour Ernst Leyden, l'auteur néenlandais du meilleur de mes portraits peint à l'huile inaltérable, et je maintiens ses mérites considérables contre masques et démons." (Ernst van Leyden, Arts et Animatio, The Netherlands, 2000, p.38).

Arrivé fin des années 30 à New York, l'artiste y côtoie l'élite culturelle : Thomas Mann, Bertolt Brecht, qui lui écrit une préface de catalogue et dont il fit un portrait, Jean Renoir, Chaplin, Henry Miller, etc. En 1949, l'artiste prend la nationalité américaine. A partir de la fin des années 50, Van Leyden va définitivement sortir de la figuration pour se tourner vers l'abstraction, une abstraction faite de grands aplats et de jeux singuliers avec le collage. Les travaux de Soulages, Matthieu, mais aussi ceux de Raymond Hains, Villeglé et Schwitters participent de ses recherches en constante évolution. Ainsi Van Leyden contribue au renouveau de l'assemblage de l'après-guerre tout en concourant à développer des compositions picturales abstraites remarquablement agencées, faisant part d'une grande maîtrise technique des matériaux utilisés. Par ailleurs, les sujets de ses œuvres ne sont pas sans faire écho à l'histoire mouvementée de l'époque (guerre d'Indochine, guerre froide, meurtre de Kennedy, etc.) histoire convoquée sur la toile par le biais d'affiches lacérées, d'inscriptions écrites, de fragment de tissus et d'étoffes qu'il recycle et détourne. Il décède en 1969 après avoir effectué un nombre considérable d'expositions de chaque côté de l'Océan.