Emmanuel Régent
Dessine moi un mouton
Emmanuel Régent
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Emmanuel Régent
 

Emmanuel Régent

Emmanuel Régent, vue du Palais de Tokyo et "mes plans sur la comète"

 
 
 
 
Vibrations silencieuses d'un temps suspendu, compressé dans ses possibles…
Une œuvre en gestation, plus empirique que littéraire, puisant sa force dans la lenteur. Une œuvre qui fait sens dans tous les sens du terme.
Paysages "noir au blanc", papiers bruts, fragiles, à fleur de regard et de caresse, immenses surfaces vierges où se détachent des compositions chorales. Les dessins d'Emmanuel Régent sont des concentrés de puissance et d'énergie. De fragilité aussi, d'humilité et d'orgueil, de paradoxes assumés.

Tous les temps saisis dans ses immenses dessins semblent contenus dans un instant figé, arrêté par l'œil de l'artiste. L'énergie y est contenue, ramassée, tendue vers ses opportunités. Cette foule va-t-elle se soulever, ou est-elle simplement lasse d'attendre, sans-papiers, étudiants manifestant, ou cinéphiles, sont-ils si anonymes, tous ces êtres parfois sans visage, juste réduits à une expression collective… alors que soudain un œil, un regard acéré semblent nous observer.

C'est là qu'une lecture induite apparaît, subtilement guidée par le contexte, si léger, si improbable, donnant vie à cette foule, lui donnant sens et puissance.
L'écriture d'Emmanuel Régent est dépouillée, presque austère, rythmée entre structure et liberté. Entre maîtrise et explosion, lorsque le trait échappe à sa vigilance et se fait presque à son insu.
Elle est vibration, intuition toujours. Son rythme la rend pernicieuse, elle échappe aussi à sa propre nature, lorsqu'il nous faut approcher de l'œuvre pour en vérifier sa réalité. Est-elle toujours issue de la main et du trait, est-elle photographique ? Sont-ils des pixels, ces signes qui se rassemblent pour former un univers cohérent, à la limite de la suggestion ? Allusifs et tangibles à la fois.
Cette écriture inlassable témoigne chez l'artiste d'une propension à l'ascèse. Pour appréhender les journées s'écoulant au rythme de ce geste insatiable, répétitif, méditatif qui donnera vie à ses immenses paysages, son sentier des douanes ou à ces foules bruissant.

Il est pourtant un enfant du siècle, passé par la photographie, l'œil formé aux lectures pixellisées. Ces outils contemporains, il les fait siens, mais les dépasse pour revenir au "Soi", à la lenteur, à l'essence du geste.
Austérité, contemplation, pénétrer l'essence des choses par leur absorption par le corps et l'esprit, l'esprit tendu entre attention et onde alpha. Car il doit s'échapper lorsque pendant des heures, des jours, des semaines, tel Sisyphe il enchaîne les traits, les lignes, les liens. Vers quelles mémoires et quelles fidélités s'échappe-t-il, lorsque sa main court, fiable, automatique, presque libérée de son auteur ? Entre présence et absence, il flotte dans un état sans limites, sans frontières, temps universel et espace sans fin.

On peut pressentir ses influences, sa famille silencieuse, Penone, Longho, Serra, Klein, Escher …
Mais c'est son être qu'il met en scène, entre abnégation et jeu, intuition et références.
Ses installations sont allusives, sobres, à lectures multiples, ébauches d'une histoire que chacun peut s'approprier, L'anneau ouvert nous emporte vers la disparition, vers l'objet volé, ses grands rouleaux vierges, plans sur la Comète, évoquent nos possibles, nos loupés, nos droits au rêve…
Le ruban Bleu, ses étagères sens dessus dessous, filles de Moebius et Escher nous confrontent à l'absurde mais aussi à la recherche de sens, allégorie de l'autre côté du miroir"…
Symbolique fluide, légère, patiente et dépouillée, il ne court pas, il vole dans un espace irréel entre ciel et terre, au cœur des époques et des espaces.

Il travaille la disparition. Disparition des indices, des lourdeurs, des certitudes, laissant la vie s'exprimer dans tous ses possibles, sans jugement, juste dans la réalité que chacun va lui prêter.
Faire avec peu de chose, c'est de l'ordre de l'Arte Povera, c'est de l'ordre de l'immanent et du Beau intrinsèque. Il y a chez Emmanuel la poésie du "Petit Prince".
Dis, "Dessine moi un mouton".
 
Edith Herlemont-Lassiat
Paris, avril 2010
 
 
Pergola, Palais de Tokyo 2010
www.emmanuelregent.fr - www.palaisdetokyo.com
Caroline Smulders  www.ilovemyjob.eu

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