Pierre Célice
En roue libre
Pierre Célice
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Pierre Célice

Nous savons que nul n'est prophète en son pays. C'est en quelque sorte le cas de l'artiste Pierre Célice (1932-2019) disparu l'an dernier, à Paris. La galerie de Maurice Verbaet à Knokke met cette oeuvre en lumière depuis déjà quelques années. Notamment auparavant dans son lieu MVArt Center, à Anvers. Ce grand collectionneur ne lésine pas sur la mise en exergue de cette oeuvre. Ce qu'il fera aussi à Paris, l'an prochain dans une institution.

Brièvement quelques repères sur Pierre Célice. Né à Paris, il rencontre dans les années 1950, le peintre et lithographe, Henri Hayden (1883-1970) qui est d'origine polonaise, à Montparnasse (*). Il se consacre à la lithographie alors dans l'atelier de Peter Bramsen où il se familiarisera avec les oeuvres de Bram Van Velde, Asger Jorn, Karel Appel et Alechinsky, entre autres… Bramsen est danois et imprimeur lithographe depuis 1962 à l'enseigne de L'atelier Clot, Bramsen et Georges. Il a collaboré notamment avec Henri Michaux, Antonio Saura, Roland Topor, Erik Dietman, Antonio Segui, Jan Voss, Maurice Wyckaert, Alberto Gironella, Francesco Toledo, Roberto Matta.

C'est sans doute à cette époque qu'il s'oriente vers l'abstraction et une forme géométrique basée sur la ligne et ces entrelacements, une sorte de dripping vertical très minimaliste et sobre, a contrario d'un Pollock. Sa première exposition a lieu en 1957, et un conservateur le remarque et achète une toile pour le musée d'art moderne. Une histoire à suivre, plus tard.

En 1970, il exécute des sculptures, des oeuvres monumentales et des fresques. Il revient à Paris en 1982. Il expose en groupe et répond à des commandes publiques (Ville d'Evreux). Quatre musées français acquièrent des peintures lors de ces dernières années. Il sera montré à la foire de Shanghai.

Il trouvera un soutien artistique et amical auprès de la Manufacture des oeillets à Ivry-sur-Seine, lieu historique, dirigée par Eric Danel, qui lui consacrera une rétrospective en 1997. Des collectionneurs se manifestent au fil du temps. Et l'on se demande pourquoi le Centre Pompidou-Paris ne possède aucune oeuvre de Célice ! Alors que le musée d'art moderne de la Ville de Paris en a déjà acquis une ainsi que trois autres institutions en province.

Avant cette exposition exceptionnelle à Knokke, j'ai pu voir des oeuvres diverses de Célice chez des collectionneurs à Paris et bien sûr dans le grand Atelier de Maurice Verbaet à Anvers, il y a déjà quelques mois. Ici, sont rassemblés une trentaine d'oeuvres de l'artiste, des dernières années et quelques oeuvres anciennes à caractère figuratif.

Au premier abord, les lignes et la couleur absorbent votre regard qui cherche inlassablement à saisir le mouvement, le geste du peintre sur la toile ; nous tentons de savoir comment ces grandes rivières fluides de couleurs s'entrelacent, se tortillent verticalement et horizontalement au fil de la surface peinte. Nous percevons que le geste attaque la toile au fil de l'inspiration sans aucun plan préconçu. Célice avait exploré, dans sa prime jeunesse, l'art de ses figures tutélaires : Matisse, Braque, Van Gogh, comme il l'avait mentionné ; et, l'on comprend immédiatement comment l'utilisation de la couleur et les formes de Matisse lui ont donné des ailes pour une toute autre approche de la peinture. Les oeuvres qui sont montrées ici sont d'une parfaite homogénéité esthétique. Les deux grandes peintures à l'entrée de la galerie marquent par une certaine violence et une explosion chromatique qui constituent son style. On pourrait penser aux grands américains de l'abstraction lyrique tel que Motherwell, par exemple. Ou de quelques européens historiques tels que Mirò pour la construction d'un espace de couleur, ou bien Hartung ou Wols… Célice isole et amplifie le détail de la couleur par de larges bandes (parfois de papiers collés) et restructure l'espace de la toile par de grands traits à la manière d'un réseau, qui n'a ni début ni fin, ainsi l'espace de la toile reste ouvert pour l'imaginaire. A la poésie.

Les tableaux de Célice sont les signes de sa nervosité physique. On sent que l'artiste est passé par des phases de convulsions. Les bandes de couleurs sont des flots de volumes de nerfs à vif - sa signature en quelque sorte. Ces bandes déchirent les obstacles du réel, de la perception originelle. On pourrait lui faire sien ce mot de Willem De Kooning : Il me semble que beaucoup d'artistes/Deviennent plus simples quand ils vieillissent/ Ils ressentent leur propre miracle dans la nature/ Le sentiment d'être de l'autre côté de la nature. Dont acte. Que font certaines institutions françaises devant tant d'oubli et d'aveuglement ? Je vous donne alors rendez-vous avec Pierre Célice, en Belgique tout d'abord, et très bientôt à Paris.
 
Patrick Amine
Bruxelles, octobre 2020
 
 
(*) Joseph Kessel, Nuits de Montmartre, illustrations d'Henri Hayden, Éditions J. Ferenczi et fils, 1947. Hayden participera à une exposition sous l'égide de Jean Giono et d'un ouvrage, avec une vingtaine de peintres, au musée Galliera, en 1962.

Pierre Célice, en roue libre, jusqu'au 15/11/2020
Maurice Verbaet Gallery
Zeedijk 738 - B - 8300, Knokke, Belgium.
mauriceverbaetknokke.com

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