Bodies - KorperweltenCeci est une exposition scientifique, pas une exposition d'art…
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Affiche Lyon
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Korperwelten
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Bodies |
"Toute une partie de l'art contemporain n'a pas d'autre objet que l'art lui-même"
Pierre Bourdieu
Bodies, The Exhibition, New-York, Juin 2007
Tout le monde en parle : il y a dans le sud de Manhattan une exposition inimaginable.
Une exposition "entomologiste" aux frontières du médical et du réel.
On n'en sait pas plus, mais il ne faut pas la manquer. En aucun cas, nous dit-on.
Il y a urgence, nous prenons l'avion ce soir. Dès l'entrée, un immense panneau nous saisit. Sur un fond noir intense, un écorché, sévère, séparé en deux moitiés sur sa longueur, presque fier, se détache. Des organes semblent flotter entre ces deux parties de corps à vif. Saisissant. "Un regard sur le phénomène complexe et fascinant que nous appelons le corps". Je regarde furtivement le dossier de presse : ”Une exposition qui permet une vision sur le corps humain, normalement réservée aux professionnels et aux médecins. Un voyage initiatique et pédagogique sur le fonctionnement du corps." Comme dans une caverne, l'entrée, le guichet, la salle d'accueil sont recouverts de noir. Temple sacré, théâtral, utérin. Nous montons l'escalator. Cette exposition ne ressemble à rien de ”déjà-vu". De la première salle, véritable théâtre d'ombres, à peine éclairé par quelques lueurs diaphanes, émergent des corps, des écorchés, des squelettes, saisis dans un mouvement, comme arrêtés dans leur élan ou une concentration puissante : Un chef d'orchestre, un joueur de tennis, un footballeur… un homme en pleine réflexion, accoudé sur un livre. Il y a quelque chose d'asiatique dans ces visages. On n'ose croire que ce sont de vrais corps… Et comment ont-ils fait ? Les muscles à vif que l'on entrevoit laissent apparaître les squelettes, les tendons ; les crânes ont une expression intense, le cerveau est dégagé de sa gangue et dévoile ses méandres laiteux. Les regards ont conservé une présence tendue, les bouches leur expression saisie à chaud… je revois les dessins de Léonard de Vinci, ses écorchés, ses personnages des bas-fonds. Le corps dénudé, décomposé, mis à nu, dans toute sa vérité. Vu de l'intérieur, illustré, le corps universel, tous les corps en un seul. Des squelettes présentés dans leur intégralité ou sectionnés de manière à en montrer l'intérieur, aux corps partiellement dénudés, strate par strate, nous découvrons une représentation atomisée et hyper réaliste de notre système musculaire, de nos organes, et toute une intériorité mise à jour. Entre malaise et curiosité, nous faisons un voyage au cœur de l'improbable. Fascinant et repoussant, chaque sujet est à vif. Il s'agit effectivement de vrais cadavres, donnés à la science. Le profond malaise vient de là, nous ne pouvons admettre ce voyeurisme auquel nous sommes confrontés. Ils proviennent de prisonniers Chinois, les sujets auraient donné l'autorisation aux chercheurs de les utiliser, sans limites … On ne peut s'empêcher de s'interroger. Les questions éthiques ne sont jamais loin. Plus loin, les circuits sanguins sont exposés: dans des coffrets de plexiglas flottent des systèmes veineux, circuits rouges, circuits bleus, ils ont un côté irréel, et pourtant… L'espace d'une seconde, je pense à Yves Klein. Mais ce n'est pas de l'art, ça n'a jamais été prévu comme tel. Nous sommes ici au cœur de la science. Il y a une forme d'esthétisme qui donne à l'horreur quelque chose de sublime. Des anomalies physiques sont aussi représentées, ainsi que des maladies, véritables cours de tératologie, telle une vision de poumons de grands fumeurs. A vous donner envie d'arrêter définitivement la cigarette. Nous quittons l'exposition, sonnés, la tête pleine de pensées contradictoires. Pédagogique, certes, mais quel choc ! Juin 2008, Lyon, La Sucrière. Cet espace d'art contemporain est installé au bord du fleuve, dans un ancien entrepôt du port. Construit dans les années 30, ce bâtiment industriel a été complètement réaménagé en 2003 pour devenir le lieu phare de la Biennale d'art contemporain de Lyon. J'ai envie de hurler… Les visiteurs peuvent y déambuler à la rencontre "d'œuvres étonnantes, amusantes et souvent déroutantes d'artistes." Programmation Mai / Août 2008 : Bodies / à corps ouvert : Dans les rubriques culture de la grande presse française, je découvre avec stupeur que "La dernière tendance en matière d'exposition artistique, c'est l'exhibition de corps humains. De vrais cadavres, conservés et modelés grâce à une technique appelée plastination". (20minutes.) ”On s'interroge sur l'origine des corps exposés à la sucrière." Je m'interroge sur la récupération par l'art d'un sujet si violent. Du Sacré à la Science, de la Science à l'Art… L'homme devient objet. L'homme a perdu son âme. Edith Lassiat
Paris - Bruxelles publication octobre 2008
Texte extrait du livre d'Edith Lassiat : Le Murmure de l'Arbre
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