Bernard Blaise
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"Ma vie est un long happening tranquille." C'est ainsi que Bernard Blaise la définit, avec un sourire franc et modeste à la fois et qu'il lie l'art à son vécu de façon indissociable. Pourtant, quand on l'interroge sur son parcours, il évoque sans amertume les contraintes qu'il lui a fallu affronter. Rien de vraiment tranquille.

Né dans un atelier de modiste, il en a pris enfant le goût de la matière à transformer. Et de la patience, par cette spécialité qui lui était échue de savoir déméler les pelotes qui lui étaient confiées enchevêtrées. Du quartier de la Madeleine, de l'architecture de la gare Saint-Lazare, du parc des Tuileries via la rue Royale, il a acquis sa sensibilité à une certaine beauté. Cet univers créatif féminin a pris fin avec l'école, ses coups de règle sur les doigts, et la part congrue réservée à l'artistique. Puis il enchaîne les travaux les plus divers, sans intérêt notoire, même s'il évoque un passage remarqué dans les vitrines du chausseur Harel en tant qu'étalagiste. Ainsi il décide à 37 ans – c'est tard, commente-t-il – que, loin des impossibles arrangements, il ira, en autodidacte assumé, vers ce qui lui est essentiel, créer.

Il a le souvenir de dessiner depuis toujours, inlassablement, et, un carton sous le bras, il est plus aisé de démarcher. Même sans succès. Motifs pour tissus comme compromis vite insupportable. En référence certains dessinateurs de BD, mais aucun formatage, c'est l'abstrait qui le mène, et qui restera à l'oeuvre pour les autres supports. Et, quelle que soit la matière qu'il travaille, la volonté de ne pas explorer le répertoire, mais de suivre sa propre trajectoire. En constant apprentissage.

La vie l'amène au sein du château de Maillebois, douceur des briques et des tourelles légères, calme de la rivière Blaise – coïncidence quasi romanesque – lovée derrière le bâtiment, opposition du vert des arbres et pelouses en complémentaire. Il y occupe un espace au sein d'une dépendance qui s'est figée dans le début du siècle dernier. La liberté a un prix.

Il y investit de grands formats à la gouache, jusqu'à ce qu'arrive la première sculpture, un peu par hasard, par désir de trouver un modèle liant peinture et volume. Jusqu'à ce qu'un accident de la route le livre aux prises avec une double injustice, celle d'un chauffard, celle de l'assurance contre laquelle il lui faut se battre. L'esprit pollué par ces contre-temps, il lâche la peinture, avec une première intuition que l'abstrait peut mener au figuratif, à la Escher. Et une deuxième intuition que l'échappée se fera par des expositions.

Et, sans parti pris immédiat, sans projection volontaire, c'est le carton qui va l'emmener en voyage. Une matière abondante, méprisée, à disposition aux portes du consumérisme, mais sublimable, en témoigne le fauteuil Rocking de Franck Gehry. Peu exigente en outils (cutter, colle), son exploitation implique beaucoup en rigueur mathématique. Le titre donné à une de ses sculptures, "Patience d'Euclide" n'est pas qu'une simple allusion, il renvoie aux multiples combinatoires nécessaires à la fabrication, anticipées, positionnées pour une présentation elle aussi polymorphe. Parce qu'une sculpture de carton n'oblige pas à penser le socle comme composante à part entière de l'oeuvre et que le basculement est toujours possible. L'emprunt à certains modèles, colonne antique, vase Médicis, les redonne à voir dans leurs proportions et leur surface, leur volume imposant parfois soutenu sur des parallépipèdes aérés qui brouille les repères. Ces "spécialités orientables" lui apportent un début de reconnaissance, le prix de l'Institut de France en 1996.

Le carton reste présent, sous forme d'empreinte, sur les pièces de verre que Bernard Blaise va aussi investir dans sa recherche. Là encore, c'est l'expérimentation qui prime, même immergé dans un milieu de spécialistes de la matière que ces productions particulières vont étonner. Les formes restent géométriques, rondeurs ou arêtes cassées encastrées ("rocks"), et le vide interne renvoie à celui qui entoure la sculpture, puisque l'oeil y pénètre avec la lumière en soulignant opalescence, profondeur et lissité, renforcées par le monochrome. De petits formats qu'on a envie d'avoir à soi, juste pour profiter de la paix qui en émane, au quotidien.

Mais c'est "en rencontrant un rouleau de grillage qui ne coûtait pas trop cher" que sa sculpture a pris une autre tournure. Ce matériau, plutôt nouveau dans l'histoire de l'humanité, offre une donne immédiate : un quadrillage réglé, une rigidité en partie flexible, une résistance à l'humide. Il lui permet une expérimentation encore plus élaborée sur les enchevêtrements et les superpositions, sans sacrifier la pureté des lignes. Sa mise en œuvre, ligatures et pinces, implique, au-delà de sa simplicité apparente, un drastique travail de conception. Elle lui donne aussi accès à un paradoxal monumental imposant à la fois sa forme et la traversée visuelle de cette forme par sa texture ajourée et facile à transporter. Et le désir de continuer.

Toutes ces étapes créatives sont liées par un point commun, la capacité que Bernard Blaise a de leur attribuer des titres dont l'humour, apparenté à celui de Pierre Dac, Boris Vian ou Boby Lapointe, joue des mots en traçant une distance salutaire avec le monde des prescripteurs de l'art, ou le narcissisme primaire de bien des artistes. Je vous renvoie à son site, où vous pourrez regarder comme bon vous semblera "Je ne peindrai qu'en présence de Mona Lisa", "Association abrupte non lucrative" ou "Ce qui étincelle est un sel." . Rien de plus normal pour un artiste "souvent sculpteur, dont les mains commandent la tête, et réciproquement, tout comme les castors."
 
Dominique Lacotte
Paris, Avril 2019
 
 
www.blaise-sculpteur.fr

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