Ben Johnson, paysagiste de villes éternelles, l'exemple de Liverpool, exporevue, magazine, art vivant et actualité

Depuis plusieurs années, Ben Johnson créé des cités parfaites, des cités en dehors du temps. Après avoir peint un large panorama de Hong Kong en grand format (1997), puis la Cité éternelle de Jérusalem (2001) et Zurich (2003), cet artiste globe-trotter a produit une vision magnifique de Liverpool (2008). Ben Johnson est un homme de défi. Lorsqu'en 2005, la ville de Liverpool, future Capitale Européenne de la Culture, propose aux artistes du monde entier un projet artistique d'envergure, Johnson présente ses intentions et son projet est retenu. Il se lance alors dans une aventure qui durera trois ans. Aujourd'hui, le visiteur peut admirer cette acrylique sur toile (2,44 m x 4,88 m) au dernier étage de la Walker Art Gallery de Liverpool.

Le travail de Johnson à la fois celui de l'historien, de l'architecte, du dessinateur et du peintre. Il propose une vision de la ville prise dans son instantanéité et en ce sens il fait œuvre d'historien comme en leurs temps les premiers photographes. Dans son œuvre, Ben Johnson soumet également les espaces aux règles de la science et au savoir faire artistique : les perspectives sont calculées par ordinateur puis chaque espace est personnalisé par un jeu de teintes maîtrisées. Ici, la beauté des formes, des proportions et des couleurs privilégie la raison tout en laissant place à l‘imaginaire du spectateur.

Ben Johnson est un véritable "architecte" du regard. Son travail méticuleux obéit aux desseins de l'épure et du corrigé. Le moindre bâtiment, le moindre espace - même le plus insignifiant – est embelli par des teintes seyantes qui flattent le regard. Toute imperfection est atténuée ou adoucie. Le registre est celui de la précision et de l'harmonie. L'œuvre représente ici, une cité idéale, bâtie aux confins de la réalité et de l'imaginaire.

Ben Johnson transforme la cité en spectacle : chaque immeuble est travaillé avec minutie et y gagne une personnalité singulière. La ville en est totalement métamorphosée. Elle est à la fois vivante et inanimée. Paradoxe fascinant, la luminosité de l'œuvre et l'harmonie des couleurs animent les surfaces ; le vide et l'absence épurent les espaces. Aucun véhicule en mouvement, aucune trace de pollution, aucune âme qui vive… La ville Johnsonienne est avant tout un espace architectural idéalisé. Tout ce qui compose l'image est net, précis, immaculé.

En ce sens, Ben Johnson éduque le regard. Il nous apprend à observer avec davantage d'attention un environnement en perpétuelle mutation. Devant tant de détails, l'œil s'anime et se passionne, avide de découvrir de nouvelles formes, de nouveaux territoires, de nouvelles ambiances. Car, là réside la force du travail de l'artiste : il fait exister le temps. La sensation visuelle conduit à étirer le temps, enrichissant le plaisir esthétique. Au cœur et aux confins de ces villes qu'il construit, l'artiste amène l'observateur à projeter ses rêves, ses projets, ses envies. L'absence d'habitant, facilite sans aucun doute, la projection mentale du visiteur. L'œuvre a une influence directe et saisissante sur les capacités perceptives de l'observateur : chez le Liverpuldien, les endroits ‘effacés' de la perception visuelle par la force de l'habitude redeviennent vivants, chez le touriste occasionnel, la cité redevient en quelques instants familières ; chez le visiteur du premier jour, la ville devient rapidement une amie intime. Plus encore, le regard qui se pose sur la toile réveille également des perceptions inconnues ou occultées. L'esprit imagine les sons et les odeurs de la ville.

L'œuvre de Ben Johnson répond à une attente toujours plus exigeante dans les sociétés modernes : une attention toute particulière envers la beauté, l'apparence et l'idéal. Avec ces villes idéales, l'absolu se rêve en modèles travaillés et épurés à l'extrême.