Edith Baudrand
 
Edith Baudrand
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Edith Baudrand

Il est toujours intéressant de rencontrer les œuvres d'une artiste qu'on ne connait pas et d'être happé par son esthétique : formes, couleurs et toute sa gestuelle qui va permettre de créer le moment et le "déclic" final. C'est ce qui arrive quand on découvre les œuvres d'Edith Baudrand dans cette exposition. Dessins divers, aquarelles, noir et blanc et couleurs, gravures. Ce sont des lignes qui encerclent des volumes de couleurs lesquelles semblent se superposer pour enfin étaler leurs formes librement. Son approche peut d'une certaine manière se référer aux éléments de Point et ligne sur plan (*) de Kandinsky et sa suite intitulée Du spirituel dans l'art, nous pouvons y trouver certains liens, car l'artiste évoque la nature, la lumière, les traces physiologiques, les éléments d'un langage qu'elle a élaboré depuis quelques années autour de la sensation, des instants mémoriels. Le papier, son matériau de prédilection, ainsi que la gravure et la lithographie, recouvrent ses aspirations et ses intentions plastiques. Sans oublier la sculpture de verre et les quatre éléments.

Son travail plastique est constitué de plusieurs séries, l'une est intitulée : "Albédos" (commencée pendant le confinement en 2020), terme qui signifie le pouvoir réfléchissant d'une surface, établissant le rapport de la luminosité de la couleur sur la toile qui y est déposée. C'est l'effet de la lumière ainsi diffusée sur une surface plane par rapport au principe de l'énergie incidente. Il y a notamment une série de noir et blanc (Forêts). Mais regardons les images créées par Edith Baudrand, tout naturellement. L'encre se propage sur le papier, l'eau distille les couleurs, le trait délimite l'étalement libre de la matière ; puis il y a les formes rondes qui se fixent tels ces noirs et ces feuilles d'or, qui invitent allègrement à la méditation. Cercles, réceptacles, reflets dans un œil d'or ! Les aquarelles où se mixent l'eau, les encres sont traitées à plat, ce qui permet au geste de border « aléatoirement » tant soit peu les formes, les liserés et les reflets des couleurs qui irradient une certaine profondeur, induisant une certaine intensité pour le regard du spectateur. "Ces traces sont des poussées, des choses qui grandissent, des traversées de la mémoire telles des poupées russes, la transparence permet de voir toutes les étapes des mémoires. Nous avons depuis toujours la mémoire de nos ancêtres, de tout ce qui nous constitue, de la nature pareillement", précise Edith Baudrand. La transparence, le blanc, se retrouve dans sa sculpture en verre soufflé, légère et aérienne. La forme principale renferme une autre forme plus petite, jouant ainsi sur la lumière, les différentes tonalités du verre et de l'ensemble. Les aquarelles de l'artiste rappellent parfois des bactéries vues au microscope qui semblent grouiller, donnant l'impression qu'elles essaient de sortir du cadre où elles sont enclavées !

Les œuvres d'Edith Baudrand ont une réelle grâce. Son geste, sa main me font penser aux mots d'Henri Focillon qui écrivait : "la possession du monde exige une sorte de flair tactile. La vue glisse le long de l'univers. La main sait que l'objet est habité par le poids, qu'il est lisse ou rugueux… L'action de la main définit le creux de l'espace et le plein des choses qui l'occupent. Surface, volume, densité, pesanteur ne sont pas des phénomènes optiques. C'est entre les doigts, c'est au creux des paumes que l'homme les connut d'abord." Edith Baudrand pourrait faire siens ces derniers mots : "Je ne sépare la main ni du corps ni de l'esprit. Mais entre esprit et main, les relations ne sont pas aussi simples que celles d'un chef obéi et d'un docile serviteur. L'esprit fait la main, la main fait l'esprit." Prenons acte. Une artiste à découvrir absolument.
 
Patrick Amine
Paris, juillet 2021
 
 
Edith Baudrand, 27 mai au 31 juillet 2021
Galerie IAWT, 40, Rue de Verneuil, 75007 Paris
galerieiawt.com

Note :

Le parcours d'Edith Baudrand est pluridisciplinaire et très étonnant. Elle a travaillé pour le cinéma, le théâtre, illustré des livres pour la jeunesse, etc. Notons ses collaborations : The French Dispatch - Réalisation de toiles monumentales pour le film de Wes Anderson. Elle réalise entre autres les toiles de Séraphine de Senlis pour le film Séraphine de Martin Provost récompensé aux Césars. Et plus récemment, reproduit et adapte les œuvres de Vincent Van Gogh à l'huile pour le film At Eternity's gate de Julian Schnabel. Etc. Dans la même galerie IAWT, nous avons remarqué les œuvres du sculpteur, Bence Magyarlaki, artiste hongrois né en 1992, basé à Paris, diplômé avec mention très bien de la Central Saint Martin's de Londres, en 2017. Il effectue un travail sur le corps en relation avec des éléments architecturaux. Formes singulières et de grande qualité.

(1) Wassily Kandinski, dans la traduction de l'allemand réalisée par Suzanne et Jean Leppien, Contribution à l'analyse des éléments de la peinture, [Punkt und Linie zu Fläche] – Folio essais n° 168, Gallimard, 1991.

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