Alessandro Baricco
Ce que nous cherchons
 
Le romancier italien, Alessandro Baricco, vient de publier dans la collection Tracts un bref texte très critique sur "notre" situation actuelle : la Pandémie et la mise en orbite de la politique sanitaire mondiale que l'on pourrait dire d'une certaine manière coercitive !

Il envisage cette pandémie comme une "créature mythique". Ainsi : ignorances et savoirs se confondent dans l'inconscient collectif comme le suggère le romancier de The Game, son dernier essai publié en 2019 (Ed. Gallimard-Folio n°6895, 2020.) qui analyse l'ère numérique et technologique qui ont bouleversé nos modes de vie, etc.

Nous organisons, sans le savoir, nos angoisses, nos convictions, notre réserve mémorielle, tout notre espace mental connecté comme un mythe. Création la plus réelle qui soit, soulignée par Baricco. René Girard écrivait : "Selon la théorie mimétique, les mythes font état d'un phénomène de désordre très contagieux qui trouve son point culminant avec la mort ou l'expulsion d'une victime." Girard mettait l'accent sur les mythes les plus faciles qu'il se proposait d'analyser : "ceux sur lesquels j'ai porté et porterai encore toute mon attention sont au nombre de quatre : La présence d'un thème de désordre ou d'indifférenciation. La présence d'un certain individu reconnu coupable de quelque faute (…) "Nous retiendrons ces deux cités précédemment qui recoupent l'analyse de Baricco, laquelle s'appuie sur l'Odyssée et l'Iliade. Évoquons Hobbes pour mémoire, avec ces mots : "la guerre de tous contre tous" ! Baricco revient sur la thématique de la Guerre qui a été évoquée par le Président Macron, l'ennemi étant ici invisible, donc mythique, et la pléthore des discours de toutes sortes qui s'en suivirent a produit la contagion des esprits avant la contagion des corps. Les catastrophes techniques de gestion de la crise sanitaire ne cessent de s'accumuler ici et là en Europe, face aux grandes puissances telles que la Chine et les États-Unis – sans compter à une autre échelle l'effet protectionniste affiché par la perfide Albion, qui, à son habitude, fait une rétention de son vaccin en ne le diffusant pas sur une grande partie de l'Europe, jeu politique et stratégique, conséquence négative du Brexit. Un refoulé actif de l'ordre politique de la royauté.

Baricco évoque les mots que nous utilisons de plus en plus : "le monde d'avant" et le "le monde d'après" ? quel sera-t-il ? Comme on a pu en faire l'expérience avec le 11 septembre américain ! Toute cette rhétorique pose des questions, elle donne du grain à moudre à son l'auteur. Il explore à sa manière cet ensemble : hygiénisme numérique, le Game, un besoin collectif de propreté, se laver les mains comme Lady Macbeth, vague de puritanisme… Ajoutons folie, civilisation à la dérive, trous noirs à tous les niveaux de l'humain. "Le voyage de la Pandémie (…) s'est en grande partie fait par des moyens de transports numériques (…) transmettent des données génétiques." L'attente actuelle se résumera-t-elle au messianique vaccin ? Les 33 Fragments de Baricco sont tout autant politiques. Le virus n'est pas démocratique ; il écrase les pauvres ; ils renforcent les laboratoires pharmaceutiques et les pouvoirs des marchés boursiers ; des millions de personnes sombrent dans des conditions les plus précaires et d'assistanat, et qu'en sera-t-il dans un an ou deux ? Une catastrophe sociale pointe lentement mais sûrement… à l'horizon mythique, insoupçonnable, imprévisible, incalculable, non identifié !

La colère est à présent réduite au silence, désamorcée, renflouée. L'étreinte se resserre sans cesse sur une grande partie des humains. Le Cheval de Troie mythique ne pourra pas entrer dans la ville des laboratoires secrets… L'aura mythique du sauveur se présentera-t-il au moment du jugement dernier ? Face à l'ennemi désigné… abstrait… immatériel… sans origine, sans logique et sans "forme". Baricco anticipe la symbolique de cet événement mythique qu'est la Pandémie. Un monde s'est écroulé et : "toute utopie pousse donc sur les décombres d'un passé, tout espoir commence par un consentement et toute vie est le fruit d'un deuil." Ses derniers mots glissent étonnamment sur l'amour. Contagion inattendue et violente. Car les êtres humains savent, presque génétiquement, mieux construire les murs de leurs propres mythes ! Avec le temps / Avec le temps, va, tout s'en va… comme dit la chanson.

Il est Temps de passer à l'audace !
 
Patrick Amine
Paris, Europe, mars 2021
 

Alessandro Baricco

 
Alessandro Baricco, Ce que nous cherchons - 33 Fragments
Tracts - Ed. Gallimard, 2021. N° 25. 3,90 €
The Game, 2019. Ed. Gallimard-Folio n° 6895, 2020

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