La 5ème feuille du Trêfle, l'artiste et l'inconnu
à l'ère des "nouvelles" technologies

Pascal Dombis

Pascal Dombis

Aujourd'hui, l'art et ses langages contemporains sont confrontés aux "nouvelles" techniques de communication et aux flux numériques d'informations et de savoirs. L'artiste qui se plaignait, jusqu'il y a quelques années, de ne pas connaître, de ne pas être au courant des œuvres de ces camarades de création éparpillés dans le monde peut, sans grande peine, se faire l'idée un panorama exhaustif en faisant quelques clics. Mais qu'est ce que cela implique au juste ? D'une part, que l'artiste – le créatif -, français, sud-africain, indien ou espagnol peut désormais suivre les évolutions d'un domaine de création sans devoir forcément se confronter aux frontières nationales. Cet effacement des frontières qui crée, en même temps, une attitude penchée vers le mouvement, vers la compréhension de l'autre, ne peut être que bénéfique pour des processus créatifs qui se nourrissent du métissage, des échanges mais aussi de nouveaux outils de création.

De l'autre part, la perception d'un unique "monde en réseau" peut entraîner un sentiment de "perte d'identité" et, surtout, une attitude blasée où l'artiste, qui a déjà "tout vu", "tout entendu" "et tout expérimenté", se distancerait des notions de stupeur et d'émerveillement face à une œuvre nouvelle. Le mouvement et le changement se confrontent ainsi à la stagnation et à l'ordre établi. Parce que, comme le rappelle l'écrivain Julio Cortázar, "ce qui est véritablement nouveau fait peur ou émerveille : deux sensations également proches de l'estomac qui accompagnent toujours la présence de Prométhée ; le reste, c'est la commodité, ce qui est toujours plus ou moins bien ; les verbes actifs contiennent le répertoire au complet."Dans la création –comme dans la vie, faudrait-il ajouter -, il faut se confronter à l'inconnu. "J'en ai assez de parler du présent", chante Tom Waits. Et les futures formes et outils de création ne rêvent que du futur. Dans la création, pour fuir le conformisme, il faut chercher la tangente au lieu de parcourir les chemins et les raccourcis déjà tracés. Cortázar encore : trouver "la tangente qui fait voler le mystère en éclats, la cinquième feuille du trèfle. Entre oui et non, quelle infini rose des vents." Les nouveaux outils technologiques dont nous disposons aujourd'hui sont une incitation à l'expérience pour engranger non pas un, mais des processus créatifs. Les échanges culturels sont là pour greffer multiplier les arts émergents. Parce qu'il n'y a pas mieux que chercher ce qu'on ne connaît pas même si c'est pour, après une longue odyssée,  ne trouver que ce qui a toujours été là et qu'on n'avait jamais vu.
 
Nata Rampazzo et
Nicolas Rodriguez Galvis
Paris, février 2010
 
 
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