L'art en guerreMAM Paris
L'art en guerre, Otto Freundlich, Rosace II, 1941
L'art en guerre, Pablo Picasso, L'aubade, 1942, huile sur toile, Musée National d'Art Moderne Paris
L'art en guerre, Pablo Picasso, Nature morte à la chouette et aux trois oursins,
6 novembre 1946, peinture sur hêtre,
L'art en guerre, Georges Braque, Le duo, 1937, Huile sur toile Musée National d'Art Moderne Paris
L'art en guerre, Marc Chagall, Résistance et les autres, 1937-1948, huile sur toile,
L'art en guerre, Jean Fautrier, La Juive, 1943, huile sur toile
L'art en guerre, Hans Hartung, T 1946-16, 1946, huile sur toile
L'art en guerre, Jean Dubuffet, Mur aux inscriptions, avril 1945, huile sur toile,
L'art en guerre, Joan Miro, Femme dans la nuit, 1945, huile sur toile |
Une exposition très riche plus de cent artistes, de grands noms mais aussi des oubliés, des anonymes, des peintres dont on voudrait découvrir plus de toiles, des chefs d'œuvre conçus pour l'être et des chefs d'œuvre qui le sont devenus dans la douleur, de l'art officiel et des artefacts de misère et d'enfermement…. De la collaboration active (et artistique : qui a fait la grande statue de Pétain entraperçue sur les bobines d'époques? Quels sont les auteurs des décors et sculptures de l'exposition "Le juif et la France" ?) à la résistance armée l'éventail est large : L'exposition se concentre sur les pratiques artistiques.
Les premières salles exposent la période juste avant la guerre, les prémonitions surréalistes qui a posteriori sont tellement effrayantes. De nombreux artistes de ce courant devront s'exiler certains seront envoyés en camps d'internement (Ernst, Belmer) tous deviendront des clandestins sans cesser de créer, leurs oeuvres étant parfois leur participation au combat. Les camps d'internement suivent, la première période (jusqu'en juin 1940) celle où les autorités françaises rassemblent les étrangers "indésirables" d'abord période de désarroi mais toujours de création et plus loin l'après débâcle ( juin 1940 jusqu'à la paix) lorsque la chasse aux opposants se généralise, lorsque la répression mène à l'enfermement, à la mort (suicide, maladie, exécution). Les conditions de l'exil et de la clandestinité sont évoquées par des oeuvres dont la fragilité serre le cœur et nos générations d'après guerre s'interrogent après Eluard et Aragon : comment crier l'amour de la liberté, l'âpreté de la lutte et la certitude de la victoire dans un dessin de 10 cm², sur une ronéo baveuse, avec trois bouts de ficelle ? L'attitude par rapport à l'occupant et le pétainisme est bien différente d'un artiste à l'autre, Derain accepte de se rendre en voyage officiel en Allemagne, Vlaminck attaque l'art de Picasso qui reste à Paris et ne montera l'essentiel de son travail de cette période qu'après guerre. Oeuvres d'une extraordinaire inventivité qui répondent thématiquement à celles de Braque. Matisse et Bonnard se retirent en province, loin de la scène parisienne. Le musée d'art moderne ouvre à paris en 1942 dans ce même bâtiment où se tien l'exposition. On y célèbre l'esprit français et l'art national (Braque, Bonnard, Delaunay, Derain, Laurencin et bien d'autres pas toujours d'accords, instrumentalisés ?) et on nie la situation : La vie continuerait-elle comme avant, mais sans art "dégénéré" ? Arno Breker le sculpteur favori d'Hitler expose à Paris, Maillol vient le voir (il a été son professeur). Diane Vierny soulignera plus tard que Maillol l'a aidé à sortir des clandestins de France. Cocteau encense Breker, le même Cocteau apparaît sur une photo avec Picasso… Les statues de bronze de Paris sont fondues (surtout celles qui déplaisent à l'idéologie collaborationniste comme les crocodiles symbolisant les ennemis du peuple de la place de la Nation… qui ne seront jamais remplacés. La statue du Chevalier de la Barre qui déplaisait à l'église, fondue en 1941 ne retrouvera sa place qu'en 2001), très belle série de photos. Les œuvres de prisonniers de guerre sont exposées à Paris. Un amateur, Joseph Stieb invente une oeuvre naïve et anti nazi qui par sa qualité et sa pertinence est un vrai choc. Certains galiéristes résistent à la censure et, presqu'aussi admirable, à l'autocensure (Jeanne Bucher qui expose Kandinsky, Freundlich, Ernst). Avec la libération on nous dit que le parti communiste mène l'épuration d'après guerre, le terme paraît peu équilibré par rapport aux excès de la collaboration. On reparcours alors l'exposition et on est étonné de trouver des textes approximatifs, sans prises de position, parfois larmoyant, parfois tonitruant mais entretenant des confusions sur les dates, les évènements, les sources documentaires. Peut-être est-il difficile de se faire prêter des oeuvres par des ayants droits ne souhaitant pas qu'on dise trop de mal de leur ancêtre ? L'intention est-elle de dire qu'avec ou sans guerre l'art continu ? L'art "de mesure et d'équilibre" n'est pas ressorti indemne de la guerre, Derain n'est pas remonté au sommet du palmarès des artistes français, mais le triomphe de l'abstraction n'a été que de courte durée à l'aulne de l'histoire de l'art. Arrivent la fin de la guerre, l'écroulement du nazisme et la paix. Fautrier évoque encore les années noires mais la scène parisienne redonne les premières places à Picasso, Chagall, Matisse et bien d'autres en d'admirables toiles et sculptures. l'exposition met en scène alors un ras de marée, d'abstraction, de corps, de matière, de couleur célébrant un oubli, le progrès et un désir de passer à autre chose. Cependant l'oubli n'est qu'apparent, en une sorte de coup de théâtre surgissent les œuvres de Dubuffet, Giacometti, l'exposition des dessins d'internés de l'hôpital Saint Anne, la salle qui clos l'exposition, nous dit que le rejet de l'horreur n'est pas une solution, que la guerre et son cortège sont toujours là dans la tête, dans la main des artistes, fantômes et spectres palpables. On dit qu'il est encore fécond le ventre d'où est sorti la bête immonde, cette exposition montre la lutte qui a été menée et qu'il faut encore mener. De tout cela on retiendra peut être qu'il faut se battre avec les moyens dont on dispose, sans attendre que d'autres le fassent mais qu'il faut se battre car sans combat pas de victoire. Dominique Thierry
Paris, janvier 2013
Jusqu'au 17 février 2013, Musée d'art moderne de la ville de Paris
mam.paris.fr/l-art-en-guerre-france-1938-1947 L'exposition se tiendra du 19 mars au 8 septembre 2013 au Musée Guggenheim de Bilbao. www.guggenheim.org/bilbao Commissariat de l'exposition Jacqueline Murick & Laurence Dorléac Scénographie intelligente alternant petits espaces (bien adaptés aux œuvres des camps par exemple) et grands espaces (pour la libération, Picasso ou l'art officiel notamment), parcours clair, audiovisuel projeté dans de bonnes conditions, éclairage adapté, signalétique lisible mais peu disserte, feuillet d'accompagnement plutôt bien rédigé |