L'araignée pendue à un cil
33 femmes surréalistes

L'araignée pendue à un cil
 
C’est un ouvrage étonnant, foisonnant, et surtout il offre la possibilité de découvrir des auteurs peu connus. Ces textes sont issus de nombreuses publications : revues, catalogues d’art, éditions de livres et poèmes surréalistes. On découvre notamment au début du mouvement surréaliste Simone Breton, Claude Cahun, Leonora Carrington, Lise Deharme, Marcelle Ferry, Jacqueline Lamba, Dora Maar, Meret Oppenheim, Valentine Penrose, Gisèle Prassinos, Alice Rahon, Toyen, Remedios Varo, puis ensuite après la seconde guerre mondiale, ce sont Joyce Mansour, Marianne Van Hirtum, Nora Mitrani, Annie Le Brun *, qui vient de disparaître – en relisant ses textes très enlevés, intransigeants, elle nous rappelle son engagement contre les fausses valeurs artistiques, ses essais corrosifs et notamment des écrits contre un certain féminisme – ces dernières participent aux successives revues surréalistes et aux "jeux collectifs" à Paris, à Marseille, ou lors des étés chez André Breton à Saint-Cirq-la-Popie. Cette publication paraît en écho au centenaire du Manifeste du surréalisme d’André Breton et de l’exposition Surréalisme, au Centre Pompidou.

Il faut lire la fameuse Giovanna (Anna Voggi Reggio Emilia, 1934 - Paris, 2024) qui fut plasticienne et créatrice d’objets divers. Giovanna entre dans le groupe surréaliste à l’invitation de Breton en 1965 par une performance, La Carte absolue, créée avec son compagnon, Jean-Michel Goutier. Elle reviendra à la performance lors du colloque "La part du féminin dans le surréalisme" organisé à Cerisy, en 1997. Elle participe aux revues surréalistes L’Archibras et Coupure comme aux expositions internationales du surréalisme (L’Écart absolu, Galerie L’Œil, Paris, 1965, A Phala, São Paulo, 1967), un temps aux côtés du groupe Phases ; dans "La Fureur Poétique» organisé par José Pierre à Paris (L’ARC, mars-avril 1967), elle présente «La crête de l’incendie", et figure parmi les "22 peintres surréalistes" réunis à Paris en 1977. Elle a dessiné, sous son nom Anna Voggi, les illustrations de William Blake, pour Innocence et expérience, aux éditions du Soleil Noir, en 1976. On lira ici son texte intitulé : Hyperbate et ses Aporismes. Leonor Fini est présente ici avec des textes et des lettres à André Pieyre de Mandiargues, datant de 1937. Nous redécouvrirons aussi : Dorothea Tanning, Unica Zürn, Suzanne Lilar, Frida Kahlo, Leonora Carrington, Lise Deharme et sa Cage vide : "J’ai raté / le livre de ma vie/ une nuit /qu’on m’avait oublié /de mettre un crayon taillé / à côté de mon lit". Et Marcelle Ferry, poétesse et dessinatrice ; la fameuse Laure (Colette Peignot), l’auteur des fameux Ecrits de Laure… Amie de Leiris, Bataille et Lacan. Marie-Paule Berranger écrit à la fin de sa préface : "Dans quelle mesure "l’infini servage" est-il levé ? Le surréalisme par son évolution-même a œuvré dans ce sens. Poètes, les femmes qu’on va lire le sont, dans l’écriture comme dans leurs autres pratiques artistiques, collages, toiles, objets surréalistes. Ont-elles trouvé de "l’inconnu" et leurs "mondes d’idées" sont-ils nécessairement différents ? Les textes réunis ici aideront chacun et chacune à répondre à ces questions et à envisager celle-ci : dans quelle mesure ces créatrices ont-elles en retour contribué à libérer le surréalisme de certains modes de pensée ancestraux et à réinventer l’amour, lui permettant ainsi d’aborder en précurseur le nouveau millénaire ?" Une anthologie superbe et captivante par sa richesse littéraire.
 
Patrick Amine
Paris, décembre 2024
 
 
L'araignée pendue à un cil, 33 femmes surréalistes – Collectif.
Poésie - Gallimard n° 588 – Édition de Marie-Paule Berranger. 525 pages. 13,20€
www.gallimard.fr

Notes :
Annie Le Brun : on trouvera en poche divers ouvrages, chez Tel, Folio, etc. En 1977, elle publie notamment Lâchez tout (Ed. Le Sagittaire) un ouvrage au sein duquel elle critique violemment ce qu'elle nomme le "néo-féminisme", et contre lequel elle prononce un réquisitoire dans l'émission Apostrophes en 1978. Elle y évoque un "stalinisme en jupons". Dans son viseur : Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Élisabeth Badinter ou encore Gisèle Halimi. A lire son fameux : Ce qui n’a pas de prix, paru en 2018 (Livre de Poche Pluriel).

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