La Littorale #6Biennale internationale d'art contemporain Anglet
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Django, Fabrice Langlade, Plage des Corsaires – Anglet, 2016 © Xue Sun
Django, Fabrice Langlade, Plage des Corsaires – Anglet, 2016 © Karine Pierret Delage
Exit Light, Andrea Mastrovito, plage de La Barre - Anglet, 2016 © Karine Pierret-Delage
Rachel Labastie devant son oeuvre Enlisement, Parc écologique Izadia – Anglet, 2016 © Nicolas Delprat
Enlisement, Rachel Labastie, Parc écologique Izadia – Anglet, 2016 © Karine Delage
U-Boat, Kemal Tufan, entre la plage de La Barre et la plage des Cavaliers Anglet, 2016 © Karine Pierret-Delage
Untitled Project Replica (Thoreau’s Cabin), Conrad Bakker, Parc écologique Izadia – Anglet, 2016 © Karine Pierret-Delage |
Cette nouvelle Biennale (6ième édition) a été confiée à Paul Ardenne pour le commissariat qui a choisi 12 artistes pour une exposition in situ, le long du littoral de la ville d'Anglet jusqu'au Parc Izadia. Il s'explique :
"Cette Biennale repose sur un contrat triangulaire : la vision de l'artiste, le contexte local et la perception du spectateur. En ce sens, elle est réellement une Biennale d'art public, qui engage un processus de relations multiples. De là son caractère expérimental, inattendu et parfois même imprévisible !" Il poursuit : "Celles-ci, en toute cohérence, doivent "parler" de ce que représente à ce jour un rivage océanique : une zone de plaisir pour les uns mais une barrière pour d'autres ; une zone de contact géographique ; un lieu de forte identité s'activant à la marge du monde continental mais ne pouvant faire comme si celui-ci n'existait pas. Ma proposition, de nature circonstancielle, entend faire leur part aux contradictions dont les rivages maritimes font aujourd'hui l'objet, de manière concrète comme métaphorique. Dans cet esprit, l'exposition met en scène des œuvres tridimensionnelles de format plutôtmonumental renvoyant tant à la société heureuse, que suggère l'univers balnéaire, qu'à cette actualité, le plus souvent malheureuse, qu'implique la notion de littoral envisagé comme frontière physique mais plus encore politique : problèmes des migrants, tensions géopolitiques, concept de la "forteresse assiégée"… Il s'agit d'exposer là un théâtre des contradictions avec des œuvres en rapport, certaines ludiques, d'agrément, d'autres plus dures, révélant un présent difficile ou douloureux." La tonalité de ce parti-pris est donnée et nous en avons fait l'expérience. Le site qui accueillait les artistes avait la particularité d'être étendu sur pas moins de quatre kilomètres, ce qui rendait ce projet d'exposition quelque peu périlleux. Comment s'implanter dans cette nature, auprès de la mer, autour du parc ? La ballade avait commencé avec l'œuvre de Conrad Bakker qui a réalisé et construit une cabane, exacte réplique de celle de l'écrivain Henry David Thoreau, l'auteur de Walden ou la Vie dans les bois, livre mythique avec une dimension critique par rapport à la société de son temps, éloge de la nature et de la liberté dans un monde coercitif (1854 – paru en France en 1922) – formidable idée de cet artiste américain pour l'ouverture sur le site, où la porte à peine ouverte de la cabane laissait entrevoir le livre de Thoreau, un fac-similé de l'édition originale. Ensuite dans la déambulation, nous atteignons l'œuvre de Rachel Labastie, avec une barque échouée, intitulée L'Enlisement. Belle entreprise, réalisée par les propres mains de l'artiste ! La couleur rouille au soleil de la terre renvoyait une lumière superbe qui distillait des sensations étonnantes. Notre parcours nous porta vers les vidéos de l'australien Shaun Gladwell. Il montrait un ensemble de "paysages de performances", comme on les nomme, prenant en compte l'océan. Un élément essentiel de son univers qui porte souvent la dimension "romantique" par le flux et le temps suspendu, et comme dans Storm Sequence (2000). Il a réalisé des séquences dans le désert très captivantes en moto où il s'arrête pour sauver et déplacer des kangourous renversés par les voitures ! Fabrice Langlade (Fr) a réalisé une sculpture intitulée "Django" qui surplombe la plage d'Anglet et qui apparaît comme une sorte de pyramide en formes de torsions et d'enroulements baroques à la manière de nuages tordus – laissons nous rêver aux multiples évocations de cette création ! La lumière du soir la rendait si énigmatique dans l'espace. Lucy et Jorge Orta (Argentine/GB/France) ont conçu pour Anglet un véhicule de secours, prêt à être chargé de tout ce dont a besoin des personnes en situation de survie, au bord de l'océ́an… Robert Montgomerry (Grande-Bretagne) est un poète post-situationniste qui travaille sur les mots et avait fait une installation poétique sur la promenade Mendiboure avec des lumières activée par l'énergie solaire. Voir texte et image. Benedetto Bufalino (Fr) créé un grand quadrilatère sous forme de terrain de sport –une idée simple complètement intégrée au sujet et au lieu. Les enfants s'en emparèrent gaiement ! Andrea Mastrovito (Italie) a imaginé des sculptures en sable, celles de personnages qui sortent de l'eau mais qui, sans délai se retrouvent bientôt engloutis par la mer. A la fin de chaque journée, les sculptures se voient détruites par la mer, le soleil, le vent, la pluie. "Cette création d'Andrea Mastrovito n'est pas seulement une réflexion sur les mouvements des peuples et la question des réfugiés, brûlante aujourd'hui. Elle est aussi, dans toute son évidence et sa simplicité, une proposition symbolique évoquant la condition humaine.". Laurent Perbos (Fr) a planté avec des bandes en caoutchouc de faux palmiers tropicaux de couleur évoquant les cités balnéaires très colorées, intitulés : Floride. Ironie joyeuse ! Le groupe art nOmad (France), Clorinde Cloronato, proposait de montrer un van aménagé devant la Chambre d'Amour, lieu historique d'Anglet, avec des textes, lettres, avec une structure métallique en forme de grand cœur ajouré, il s'agissait d'offrir aux passants l'occasion de venir déposer vœux écrits et autres ex-voto à la gloire de l'amour, et de la création joyeuse. L'Accroche-cœurs, de sculpture devient lieu de culte. Comme le dit si bien Ardenne. Le "clou" accidentel de cette exposition risquée et très étendue géographiquement dans l'espace de la littorale d'Anglet est la participation de CT Jasper - Joanna Malinowska qui ont fait disparaître par le feu leur installation un jour avant le vernissage sur la plage, sous les yeux des autorités locales et de la presse ! La surprise fut pour tout le monde. Et les artistes, sous le soleil, ont dû avoir une insolation très forte ! Ils ont été au poste assez rapidement, comme on nous l'a raconté. Tant pis pour eux, le projet de l'installation semblait très intéressant. Mais l'œuvre très imposante créée à Anglet fut celle de Kemal Tufan (Turquie), U-Boat, qui a imaginé une sorte de sous-marin en métal (15 m de long) recouvert de vêtements donnés par la ville d'Anglet, et réalisé par des enfants et des adultes ! Les couleurs magnifiques de cette installation distillait une certaine joie et inspirait les jeux de plage de notre enfance, le rêve et les multiples résonnances liées à cette création. On peut y voir aussi des résonnances politiques et des souvenirs historiques. Un rendez-vous de cet été qui fut une belle promenade artistique dans une région où on n'a pas toujours l'habitude voir de l'art contemporain et moderne, léger et ludique. Patrick Amine
Anglet, septembre 2016
La Littorale #6 - Biennale internationale d'art contemporain - Anglet
Côte Basque, du 26 août au 02 novembre 2016 www.lalittorale.anglet.fr |