Angelinna #6Michel Clerbois
Angelinna #6, Michel Clerbois, proposition 4
Angelinna #6, Michel Clerbois, proposition 4
Angelinna #6, Michel Clerbois, proposition 4
Angelinna #6, Michel Clerbois, proposition 4
Angelinna #6, Michel Clerbois, proposition 4
Michel Clerbois, Campement sdf, Lyon, 2017
Michel Clerbois, CT, 1986, huile sur papier
Michel Clerbois, Retenir le réel n°24, peinture sur miroir
Michel Clerbois, Territoire, 2019, film transparent sur miroir
Michel Clerbois, Territoires, 2018, peinture sur miroir |
Formes implicites à l'œuvre
Partant du postulat que la conscientisation par l'art ne se limite aucunement à sa seule pratique, Michel Clerbois développe, depuis le début des années 80, une réflexion sur ce champ d'activité et ses représentations au travers de l'étude des nombreuses interactions qu'il entretient avec d'autres disciplines, issues principalement des sciences humaines. Selon une formulation empruntée à l'historien français Daniel Nordman, le territoire est "un espace pensé, dominé, désigné. Il est un produit culturel, au même titre qu'un paysage est une catégorie de la perception, que l'homme choisit à l'intérieur d'ensembles encore indifférenciés". (Nordman Daniel, "Territoire", in Bely Lucien (dir.), Dictionnaire de l'Ancien Régime [1ère éd. 1996], Paris, PUF, 2003.) En écho à cette définition, l'installation "Territories" a été pensée pour et en fonction de cet espace singulier que sont les vitrines d'Angelinna, soit une devanture semi-publique, offerte à la vue de tous, nichée au coeur d'une aire culturelle et commerciale périodiquement accessible. Une sorte de boîte dans une boîte qui se veut réflexive et interpellante pour qui voudra bien s'y attarder. La polysémie que recouvre le concept de territoire a été abordée par l'artiste au gré de diverses pistes de réflexion travaillées chacune de manière séquentielle, qui, une fois mises en corrélation, se répondent et s'alimentent les unes les autres. Ainsi, les miroirs exposés, restitués dans leur état de dégradation naturelle et partiellement agrémentés de dessins, lettrages et/ou de peinture, jouent le rôle de révélateurs autant qu'ils dissimulent pour mieux questionner les données relatives au visible, à ce qui est donné à voir comme éléments constitutifs du réel. "[…] le territoire résulte d'une action des humains, il n'est pas le fruit d'un relief, ou d'une donnée physico-climatique, il devient l'enjeu de pouvoirs concurrents et divergents et trouve sa légitimité avec les représentations qu'il génère, tant symboliques que patrimoniales et imaginaires, elles-mêmes nourries de la langue dominante parlée par les populations de ce territoire. En un mot, la réalité géographique d'un territoire repose sur un "fait total culturel et géographique" inscrit dans une histoire spécifique". (Paquot Thierry, "Qu'est-ce qu'un "territoire" ?", Vie sociale, 2011/2 (N° 2), pp. 23-32.) Cet état de fait peut également s'appliquer au regard que porte un individu sur le monde qui l'entoure car, "sans même entrer dans les implications propres du voyant et du visible, nous savons que, puisque la vision est palpitation par le regard, il faut qu'elle aussi s'inscrive dans l'ordre d'être qu'elle nous dévoile, il faut que celui qui regarde ne soit pas lui-même étranger au monde qu'il regarde" (Merleau-Ponty Maurice, Le Visible et l'invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 175.). À ce titre, les quelques photographies d'habitats précaires disséminées dans la vitrine mettent en exergue l'une des conséquences les plus généralisées et aisément reconnaissables résultant de la dégradation évidente d'un tissu économique et social. En regard, deux empreintes corporelles, évocatrices cette fois-ci de la mémoire humaine et matérielle, viennent compléter l'ensemble et apporter un niveau de lecture supplémentaire. Préférant la correspondance à la chronologie, l'artiste s'est attaché à présenter ici un ensemble hétéroclite de productions réalisées à des époques différentes que l'on pourrait qualifier de "signifiants", à partir desquels s'articule une pensée qui, métaphoriquement, dessine un paysage à la fois physique et mental. Se faisant, via la matérialisation sensible de quelques-uns de ses paradigmes, l'installation "Territories" s'attache à esquisser le portrait polymorphe et mouvant d'une certaine réalité sociale contemporaine, proposée à la libre interprétation des visiteurs. Clémentine Davin
Bruxelles, octobre 2019
Angelinna #6
Rivoli Building, Chaussée de Waterloo 690, 1180 Bxl www.rivoli.brussels |