From Danemark with love, Ampersand house, exporevue, magazine, art vivant et actualité

Le deux juin 2012, s'est ouvert à Bruxelles une singulière exposition de design danois allant des années 50 jusqu'à nos jours, associée au travail de l'artiste Ane Vester. Singulière en cela qu'elle s'est tenue dans la demeure privée de Kathryn Smith et Ike Udechuku, fondateurs de Ampersand House.

En créant Ampersand House, Kathryn Smith et Ike Udechuku ont pris la décision d'ouvrir leur passion au public. Entourés de pièces de grands designers, ils y associent des créateurs moins connus ainsi que des artistes contemporains et inventent ainsi, jour après jour, le récit de leur quotidien.

Leur demeure, ouverte au public le temps des expositions, est le lieu d'une réflexion sur les nouvelles modalités d'approche de l'art et du design. Il s'agit en effet pour eux de rompre avec les conventions de présentation du design. Pour ce faire, ils conçoivent, d'une part, pour chaque espace - hall, living, salle à manger -, un scénario précis, une histoire particulière, qui invite le public à "vivre", s'approprier et expérimenter directement les objets l'environnant. D'autre part, ils composent des ensembles inédits, organisant des éléments dans des rapports de coexistence. C'est avec un sens particulier des couleurs et des formes que chaque espace est scénarisé. Chaque pièce fait ainsi l'objet d'un scénario qui sera amené à évoluer au fils des expositions et de leur thématique. Différents designers, de périodes et de tendance éloignées, peuvent ainsi composer un ensemble, qui s'empare d'une partie de l'espace.

L'association, la composition serait alors le propre de Ampersand dont le terme par ailleurs signifie en français "esperluette", soit &, ce logogramme à même de réunir des ensembles, comme le ferait un curateur pour une exposition. "De fil en aiguille" est d'ailleurs l'expression souvent employée par Kathryn Smith pour évoquer la présence de tel objet aux côtés de tel autre et faire le récit des ensembles qu'elle compose.

Quand on interroge Ike Udechuku sur l'ouverture au public de Ampersand, celui-ci répond à juste titre qu'expérimenter ainsi le design revient aussi à désacraliser ce dernier. Nous sommes ici très loin d'une conception muséale et conservatrice de ce secteur, conception qui cherche à détourner la fonctionnalité d'un objet - et l'intention de son auteur -, en l'exposant dernière une vitrine ou sur une estrade, afin de lui conférer un statut artistique, comme le pratique la majorité des musées abritant une telle collection.

A ces conceptions s'ajoute, pour l'exposition From Danemark with love, le travail de l'artiste danoise Anne Vester qui ponctue par sa peinture et ses photographies les multiples espaces. Sélectionnée par Archétype qui présentera dans cette maison sa collection d'art contemporain au mois d'octobre prochain, Anne Verter déploie différents travaux portant sur une recherche singulière axée sur la couleur et la mémoire. De fins dispositifs en bois peints rythment ainsi les murs de l'escalier amenant le regard du spectateur dans un mouvement ascendant qui le conduit au premier étage où l'attentent des séries de peintures sur plexiglass ou sur verre qui inventent à chaque fois des tonalités bien particulières qui s'opposent ou se complètent. L'artiste, par ses déambulations et ses lointains voyages, cherche à retranscrire par la peinture et la lumière ses divers souvenirs.

Ainsi design, peinture et photographie s'harmonisent pour créer une atmosphère spécifique. S'harmonisent certes et parfois même se confondent. En effet, comme le précise Ike Udechuku, leurs frontières sont souvent poreuses. Attiré par l'art contemporain dans ses relations avec le design, Ike Udechuku me conduit vers une sculpture de "By", judicieusement placée dans le hall, ce qui permet de multiplier les points de vue que l'on a de l'escalier, et qui n'est en effet pas sans lien avec plusieurs problématiques plastiques contemporaines. Si elle peut servir d'étagère, elle reste une pièce unique réalisée in situ pour chaque collectionneur afin de concevoir le trompe l'œil voulu en fonction de l'espace d'exposition. Quant à Kathryn Smith, elle citera à la fois les peintures de Milton Avery et le travail de recherche de Oliafur Eliason, se sentant également proche de l'art contemporain.

Pour conclure, comment ne pas rapprocher cette pratique de diffusion d'artistes, ainsi placés dans un contexte privé et ouvert au public, d'expériences ayant eu lieu avant l'apparition des institutions muséales consacrées aux arts contemporains. Car avant l'émergence du MOMA, qui puise son origine dans les collections privées, on trouvait à New York ou à Paris, ce type d'habitation tenu par des collectionneurs éclairés et ouvert aux cercles d'artistes, d'amateurs ou de poètes. Pensons ici au couple Arensberg qui dans les années 10 du siècle dernier logèrent Duchamp pour qu'il y réalise le Grand verre. Dans cet appartement, les murs étaient recouverts de tableaux contemporains, tels les peintures de Duchamp, Picabia, Man Ray, Matisse et des sculptures de Brancusi. En l'absence d'institution, l'art était alors accessible par le biais d'appartements privés. Il était par ailleurs conçu pour des individus, s'adressait à ces derniers et non aux institutions inexistantes. C'est avec cette atmosphère particulière me semble-t-il que renoue Ampersand, prêtant bientôt son lieu à la riche sélection d'œuvre d'artistes contemporains de Archétype. Cette exposition, intitulée Future memory, aura lieu du 5 au 27 octobre 2012 et sera l'occasion de montrer les œuvres de Anne de Gelas, Bernard Gaube, Bénédicte Henderick, Yves Lecomte, Els Opsomer, Sébastien Reuzé, Perry Roberts et Leandro Centore, associées au mobilier de Danny Venlet qui se chargera également de la mise en scène. Cet évènement préfigure l'ouverture du site internet de Archétype (www.archetype.be), dirigé par Yolande de Bontridder et Stefania Goldenberg.