Pierre Alechinsky 2019, exporevue, magazine, art vivant et actualité

Né à Bruxelles en 1927, Pierre Alechinsky est un artiste qui oeuvre sans répit. Peintures, gravures, livres divers - illustrateur d'un volume de Proust et d'Apollinaire et bien d'autres auteurs. Très tôt, il devient l'ami de Christian Dotremont, le poète (qu'il évoque abondamment dans ce dernier livre), lequel fait aussi partie du groupe Cobra avec Asger Jorn (un des artistes situationnistes, auteur de nombreux livres dont deux avec Guy Debord), Karel Appel, Constant et Jan Nieuwenhuys. Ils feront leur première exposition CoBrA au Stedelijk Museum d'Amsterdam. Il s'initie à la gravure avec l'artiste Stanley William Hayter (1901-1988) dans l'Atelier 17 (un portrait de l'artiste anglais, peintre et graveur, figure dans son livre). Inspiré par l'Asie et la calligraphie, il séjournera de nombreuses fois au Japon. Il exposera notamment de nombreuses fois en France (où il s'installe très tôt) dans de grandes institutions (Jeu de Paume, en 1998, Centre Pompidou, en 2004), et bien sûr en Belgique, à la Biennale de Venise (1960), au Museum Jorn de Silkeborg et aux Etats-Unis, etc…

Dans cette exposition, nous pouvons découvrir le choix de l'artiste, avec des estampes, des gravures, des illustrations de livres pour Salah Stétié, Jean Tardieu, Marcel Proust pour Un amour de Swann (2013, Ed. Gallimard), et ses propres éditions avec des eaux-fortes. Très belle eau-forte de Oldies d'Ivan Alechine, l'ensemble est toujours ponctué de phrases écrites sur ses oeuvres… La galerie un très grand nombreux de livres et leurs illustrations originales. L'espace est empli de mots, de signes et de couleurs. Ici et là dans cette oeuvre, on perçoit naturellement ses attaches au surréalisme. Comme d'ailleurs dans ses ouvrages.
Son Ambidextre est un ouvrage composé de trois volumes parus chez le même éditeur, Lettre suit (1992), Baluchon et ricochets (1994), et Remarques marginales (1997), accompagné d'une une iconographie originale et parfois insolite sélectionnée par lui-même.

Ce livre poétique et informel parcourt un certain nombre d'années autour de ses créations et de ses amitiés avec écrivains et artistes. On est plongé dans une histoire qui s'égrène des années 1960 à nos jours. Qu'est la peinture pour lui ? "Lancer des bouteilles rejetées sur la plage, dans l'espoir de découvrir le message d'un naufragé." Il égrène ses souvenirs, ses promenades dans les brocantes, marchés aux puces, champs à la dérive. Amateur d'images perdues, il erre dans un vaste no man's land où ses souvenirs refont surface. Sa mémoire visuelle est réactivée. Poètes et textes, tableaux vus et revus éparpillés dans le Temps, dans le sien. Il dit savoir que ses tableaux sont perdus comme le reste. Il organise ses titres, ses "fiches volantes d'une morgue imaginaire, sans référence ni fil." Donc il parcourt à nouveau son champ biographique. Il ne tient plus à s'illustrer lui-même. Il tient à ce que les autres s'en emparent. Un poème qui n'appelle plus ses propres images. Ce sont : "Des mots sans bouteille. Jetés à la mer." Texte fluide comme les lignes de ses dessins et ses illustrations flottantes. On y trouve des notes vagabondes sur Paris et les artistes, Picasso, Michaux, Jorn, le poète Dotremont, etc.

Un livre et une exposition en parfaite osmose esthétique et spirituelle.