Inhabited
Philippe Agéa
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Agéa
 
 

Agéa

Agéa Philippe, Paris, Bagatelle garden

 
 
Paradoxal. Ce qui importe quelquefois en photo, c'est ce que l'œil n'y découvre pas. En l'occurrence ici, des gens. Pas la moindre présence humaine dans ces compositions d'Agéa. Or ces constructions choisies un peu partout en Europe, il a bien fallu les élever un jour. À l'usage de qui, quand et pourquoi ? Voilà où l'intrigue se noue.

Car délibérément, l'auteur ne nous révèle que des façades, des pignons, des murailles : des espaces clos et secrets. Les habitants et visiteurs sont-ils déjà partis, ou pas encore arrivés ? Nul ne le sait, ne le saura. Par contre, chacun peut faire appel à son imagination. Un pan d'église dissimule sans doute des fidèles, à un moment donné. Un donjon a sûrement abrité une ravissante châtelaine autrefois. Et le grain ne s'est pas concassé tout seul, dans ce moulin à vent. Plus qu'un jeu de devinettes, c'est évidemment la formulation d'un scénario mental que chacun de ces clichés suggère au spectateur ; il en devient ainsi acteur par la même occasion.

Enfin, certains de ces édifices semblent abandonnés, souvent depuis fort longtemps. Se sont-ils mués en demeures philosophales pour autant ? Le mystère reste entier. Selon vos propensions personnelles à la fabulation, vous n'aurez que l'embarras du choix. De votre propre choix. Les amateurs de gothique noir, pur et dur y situeront assurément des affrontements cruels de fantômes, de vampires et de dragons. Les rêveurs de magie blanche s'évoqueront plutôt de sautillantes folâtreries qui rassemblent des fées, des elfes et des farfadets.
 
 
János W. Kovács
Bruxelles, mai 2011

 
 
 
Laisser aller le regard.

Il y aura les obstacles de pierre, murailles lissées d'une nature ample et altière, à la hauteur seulement veinée d'un faux chemin blanc, murailles patiemment montées pièce à pièce par une main d'avance dépassée par l'envahissement inéluctable du végétal.
Un roc aigu se creuse pourtant de la double et modeste entaille d'un essai troglodyte, se voit porter une tour fièrement perchée, faussement fière.

Il y aura les obstacles de branches, de feuilles, fraîches ou sèches. Leur foisonnement insolent tisse un imbroglio inextricable, paradoxalement tonitruant dans le silence des lieux désertés. Mais leur prolifération réticulée peut paraître calme aussi, seulement troublée par le flou d'un bouger au premier plan ou d'un fagot improvisé qui trace une diagonale.
Une circulation de sève qui pulse la vie, densifie en sourdine une occupation durable, mêle les caducs aux parasites, isole les persistants, fertilise les squelettes.

Il y aura l'étendue vierge de pas de la neige, la barrière de l'eau, le pont au bord de l'écroulement, toutes ces distances qui disent la place de celui qui a photographié. Et notre regard le rejoindra dans cette recherche toujours relancée de la trace humaine, à fouiller les entrelacs, à découvrir les formes immobiles des statues, à se laisser guider vers des moulins stériles, les rotondités des toits, les interstices lumineux d'une voûte.

Et sourire du palmier planté par qui ?
 
 
Dominique Lacotte
Bruxelles, mai 2011
 
 
Inhabited, Philippe Agéa
www.agea-philippe.com

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