Un abécédaire littéraire parisien
d'Aragon à Zola

L'araignée pendue à un cil
"Paris se garde à ceux qui l'aiment, à tout le peuple de la pensée ou de la besogne,
à ceux qui n'imaginent pas de vivre sans lui".

Léon-Paul Fargue
 
Les écrivains qui ont parcouru Paris sous tous les angles forment légion. Les photographes également. Citons tout simplement quelques textes majeurs tels que : Le fichier parisien de Montherlant, Le Paysan de Paris d'Aragon, Le Piéton de Paris de Léon-Paul Fargue ou son D'après Paris. Etc.

"Traverser Paris, c'est déambuler dans la littérature : "Andromaque, je pense à vous !" Comme dans "Le cygne", le poème des Fleurs du mal de Baudelaire, tout devient allégorie. Les Français sont nés provinciaux, presque tous. Naguère, ils étaient paysans. Mais tout finit à Paris. S'ils écrivent, Paris est leur seconde petite patrie, plus celle des étrangers conquis par la "capitale du XIXe siècle", comme la nommait Walter Benjamin, c'est-à-dire la capitale de la photographie d'écrivain depuis Balzac – qui craignait que chaque cliché lui retirât une peau –, Hugo, Baudelaire." Ecrit Antoine Compagnon, dans la préface de ce volume.
"Fourmillante cité, cité pleine de rêves, (…) Les mystères partout coulent comme des sèves/Dans les canaux étroits du colosse puissant." Baudelaire, encore.

Cet abécédaire est un voyage sur les traces des écrivains qui ont habité dans les divers arrondissements de la capitale, en arpentant ses lieux mythiques. 26 auteurs : d'Aragon, à Yourcenar et Zola, en passant par Céline, Balzac, Fargue, Romain Gary, Hemingway, Kessel, Paul Valéry, Larbaud, Verlaine, Wilde… plus un focus sur le Xe arrondissement pour se remémorer Eugène Dabit et Marcel Carné. Les images sont de l'agence Roger-Viollet (institution créée en 1938) ; elle compte six millions d'images couvrant plus d'un siècle et demi d'histoire parisienne, française et internationale.

Fargue a toujours un bon mot sur sa ville : "Aujourd'hui, ma vieille cité repasse insensiblement ses premières amours, ses aspects oubliés. Le regard va sans être gêné jusqu'au fond des avenues, tranquilles, comme de larges routes. Quelles révélations, quelles trouvailles, quelle fraîcheur de perspectives !" (…) "S'il est un homme tourmenté par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, disait Joubert, toute une page dans une phrase et cette phrase dans un mot, c'est moi." Et Vauvenargues ajoutait : "Les meilleurs auteurs parlent trop." Cité par Fargue. Voltaire écrivait à propos de "l'esprit de Paris" : c'est, "tantôt une comparaison nouvelle, tantôt une allusion fine. Ici, c'est l'abus d'un mot qu'on présente dans un sens et qu'on laisse entendre dans un autre ; là, un rapport délicat entre deux idées peu communes. C'est une métaphore singulière ; c'est une recherche de ce qu'un objet ne présente pas d'abord, mais de ce qui est en effet dans lui ; c'est l'art, ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l'une à l'autre ; c'est celui de ne dire qu'à moitié sa pensée pour la laisser deviner". Les mots et les formules sur Paris que l'on peut trouver dans la littérature pourraient former une encyclopédie inédite. Un composé d'images et de sensations invraisemblables pour tout voyageur, pour tout amoureux de Paris. Et Jules Renard disait qu'il fallait ajouter deux lettres à Paris pour faire PARADIS.

Ne dit-il pas encore notre piéton de Paris : "Les formules sont des synthèses d'expérience au ralenti, comme les cris le sont à l'accéléré." Dans ses fameux Déjeuners au soleil ! Un voyage immobile dans la cité qui livrera encore et toujours d'innombrables secrets que nous pouvons découvrir par nous-mêmes. On aurait aimé que cet ouvrage marche sur les traces d'auteurs plus contemporains, tout au moins de ces 70 dernières années.
"Nul n'aura de l'esprit, hors nous et nos amis." Écrivait Molière. Que rejoint Enrique Vila-Matas, l'écrivain et ami, par le titre de son livre : Paris ne finit jamais ! (1)
 
Patrick Amine
Paris, décembre 2024
 
 
Un abécédaire littéraire parisien, d'Aragon à Zola. Textes de Jean-Noël Mouret-Préface d'Antoine Compagnon, Gallimard-Roger-Viollet. 120 pages, Oct. 2024. 90 illustrations-photos.
Exposition à la Galerie Roger Viollet, Paris. www.roger-viollet.fr

Notes :
(1). Babel. Ed. Actes Sud, 2020. 1ère édition en 2044 aux Editions Bourgois. Traduit par André Gabastou. À consulter l'anthologie : Paris sera toujours une fête. Folio 2€. 2016.

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