30 000 ans d'art aux Editions PhaidonUne histoire de l'art très anglo-saxonne
30 000 ans d'art |
C'est une belle gageure que la publication de ce livre : 30 000 ans d'art présentés en quelque 1000 œuvres sur plus de 1000 pages. Une sélection nécessairement arbitraire, nécessairement discutable.
Le parcours commence par L'Homme à tête de lion de Holhenstein-Stadel, sud de l'Allemagne, un ivoire de mammouth daté de 28 000 ans av. J.-C.
Curieusement, la grotte Chauvet Pont d'Arc (Ardèche), est à peine mentionnée. C'est pourtant le site de peintures rupestres les plus anciennes au monde connues à ce jour, datées autour de 31 000 ans avant le présent, dans un intervalle de 1 300 ans, avec son extraordinaire bestiaire de plus de 400 représentations d'animaux. Suit immédiatement la Vénus de Willendorf (v. 25 000 av. J.-C.), en Basse-Autriche, encore généralement présentée comme la plus ancienne sculpture connue. D'aucuns soutiendront que la datation au radiocarbone devient cependant approximative pour des âges supérieurs à 30 000 ans… Surprenant encore : site préhistorique majeur, la grotte Cosquer (calanques de Cassis), grotte sous-marine ornée de l'aurignacien daté de 27 000 et 19 000 ans avant le présent, n'apparaît pas. Si les commentaires sont minimaux, les images, remarquables, nous font découvrir un art préhistorique toujours plus bouleversant de vérité. Donnant simultanément à notre "modernité" un sérieux coup de vieux ! Prenez Les Bisons du Tuc d'Audoubert, sculptés dans l'argile crue d'une grotte de l'Ariège il y a 15 500 ans, ou les figures gravées de la grotte italienne d'Addaura (11 000 av. J.-C.) ou encore cette idole accroupie de 7000 ans d'âge trouvée en Grèce. L'art de la poterie est sans doute l'une des traditions chinoises les plus anciennes. Les premières productions remontent à plus de 8000 ans... Néanmoins dans cet ouvrage, l'œuvre chinoise reproduite la plus ancienne est un pendentif en forme de dragon-cochon en jade qui remonte –seulement, si l'on peut dire- à 3800 av. J.-C. L'anonymat apparent de l'ouvrage ne nuit nullement à la rigueur des notices. C'est un beau voyage à travers nombre de sites et de musées du monde, où l'on suit l'évolution des arts, toutes techniques et tous genres confondus, pour une large compréhension spatio-temporelle de la créativité humaine, de l'humanité. Pour ne regarder que certains des peintres Français majeurs de la seconde moitié du XXème siècle, ni Balthus, ni Manessier, ni Bazaine, ni Soulages, ni Zao Wou-ki, ni Buren, ni Dezeuze, ni Raysse, ni Garouste n'y figurent. Ne rêvons pas : la dernière œuvre française en date reproduite est La grande parade de Fernand Léger : 1954 ! Mais il semblerait que, pour les auteurs, comptent plus les genres et les titres des œuvres (en caractères gras) que les artistes eux-mêmes (en caractères maigres). Si les omissions, intentionnelles ou non, frappent objectivement, les surprises heureuses, sans les compenser, apportent à cet ouvrage une prime remarquable. Prenez le Génie aux fleurs, Afghanistan, vers 400, au caractère hellénisant accompli. Ou cette garniture de cruche, origine tchèque v. 300 av. J.-C., au dessin aérien, authentiquement celtique. Ou encore ce Chevalier-aigle, poterie peinte et plâtre de 2 m.de haut, Mexique, v.1480. Il ne s'agit pas d'une encyclopédie didactique. Non, c'est un objet-histoire de l'art. Un quasi-objet d'art, multiple certes ! Mais dans l'histoire des livres sur l'art, parmi les références les plus originales, il restera connu comme "anonyme", ou plutôt "collectif anglo-saxon, collection de l'éditeur Phaidon". Olivier de Champris
Paris, octobre 2009 |