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Michel Madore ou la nostalgie des signes

Au cœur de la création contemporaine, Michel Madore s'éloigne des brumes fragiles de la modernité, quand elle s'allège du poids des vérités profondes, et par le heurt grave et sourd des puissances de la vie et des silences de la mort, son art aigu sécrète la plus exigeante densité.

Mieux vaut détruire l'apparence du corps narcissique pour mieux faire surgir l'âpreté du trait, la violence sourde de la tache vitale, et la souple résistance de l'être aux agressions les plus crues de l'existence. Dans ce langage d'effacement, quand a disparu l'apparence épuisée de la chair, résistent à jamais la nostalgie des signes, les voies éblouies, les effluves distancés, et les sillages perdus.

La trame de l'œuvre est une peau infiniment vieillie, infusée de la mémoire de tous les passés, par quoi seraient passées toutes les vies… Le corps de passage n'est qu'un possible chemin d'univers, seules les traces perdurent. Dénuement consenti dans le sacrifice du vouloir-dire. Expérience mystique de la pauvreté : l'œuvre remplace ce qui fut par ce qui n'est pas. Tout se passe comme si l'impensable pressenti ouvrait en l'être qui se croit achevé, un interstice infime où le réel se laisse déborder et emporter. Métaphore vitale où se joue le dépassement des signes anciens et fatigués. Ainsi l'art s'entoure d'absence, d'une absence délibérée, taoïste, qui efface d'elle le trop-plein des fausses évidences. Le graphisme est désaxé, décentré, sans fond, la trace appartient à celui qui consume le sens, l'art est l'espace ouvert, l'espace en creux où se joue l'autre pensée. Seul l'ailleurs peut féconder le vide.

Madore refuse la tyrannie du signe, et son trait n'enferme jamais : d'une fluidité nuageuse, gestuelle, il libère les mouvantes enveloppes corporelles, qui résonnent et s'agitent au fond des espaces du dedans. Art de la plus fine sublimation, où le presque rien de la ligne se dégage des paysages de l'être. Corps déjà déserté, hétérogène et troublant, aux plis opaques et tumultueux, hors du centre sexuel où s'abandonnent, dans la douceur infinie de l'échange, les lignes d'une vie qui fut lointaine et fragile.

Eros et Thanatos, dans l'étreinte du ciel et de la mort, injectent les rudes instances du chaos où meurent les images ressassées, et l'oeuvre, dans le vif d'une méditative ascèse, instaure l'éphémère suprématie de la main. Allusive et guidée de pur instinct. Pas d'immobilité mortifère, mais la vitalité de l'éros créateur, et mouvements fantomatiques d'errance inventive… Les traits prolifèrent, épars, vers tous les possibles de la vie, comme pour exorciser ce qui ne fut pas, et qui n'existera jamais. Labyrinthes de hasard qui n'imposent aucune voie, quand demeurent esseulées les vertus échancrées de la chair profonde.

La couleur ne vient que par surcroît, en rêverie légère, en atmosphère d'oubli qui dédaignerait la sommaire sensualité des choses. Elle se dépose parfois comme à regret, et l'implacable présence des profondeurs vient blesser la frêle surface du papier, et creuse l'horizon vertical où les nerfs et le sacré coexistent. Loin de cette frontière, le divin n'est qu'une métaphysique de la nostalgie charnelle, et la mise en abyme du deuil sexuel.

Madore marche sur la peau comme sur une terre de ciel, et l'amour blanc, dans ses vives blancheurs, s'abîme dans l'opacité sans limite.

Christian Noorbergen

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