En longeant les choses

Cette route passe et mène forcément quelque part…
Je pressens que sera là, en longeant les choses, une réponse sur la densité du point de vue, l'épaisseur de cet espace entre l'oeil et le sujet que je cherche à préciser depuis quelques temps par le paysage. L'émotion de voir…

Cette route à prendre est comme un couloir dont on ne sait la longueur au départ, avec une porte au bout, et derrière. Un couloir bordé d'espaces humains parfois mutilés, qui nous concernent, nous regardent.

Je sais que ce ne sera pas une enquète sur le paysage ou les espaces péri-urbains en mutation, et que ces espaces parfois vides, à l'abandon temporaire ne sont pas deshumanisés pour autant. Après le reportage et l'ailleurs, l'architecture, le rapport à l'autre dans le portrait et à la présence dans les temps de pose du sténopé, je cherche encore, peut-être prétentieusement, mon humanité photographique dans cette humanité-là.

Les 2400 kms accumulés seul à vélo, la tête reliée au pédalier vont faire office de machine à visionner, à laver des images et des pensées nombreuses, joyeuses ou douloureuses, notamment pour ne pas faire des images qu'au moins j'attends.
Les images réalisées puis tirées m'ont par la suite laissé perplexe quelques semaines, sans yeux pour les voir ni voix pour les dire. Je ne les reconnais pas.
L'errance a bien fait effet… Il me faut comprendre ces images, cette errance.

Au delà de cette quête, de l’exigence de voir que je m'impose, cet état des choses et des lieux parle d'un monde qui perd parfois sa compréhension, sa poésie visible. Un monde qui ne sera plus pareil.
Le temps de l'engagement-photographie m'apparait de nouveau… Le paysage était jusqu'alors pour moi l'innocence du regard retrouvée. J'aimerais y croire encore, sans m'y attarder.

Patrick Galais, 2005